Ce
n’est pas parce qu’ils se trouvent au milieu des autres que les adolescents
acquièrent naturellement le sens de la collectivité ; il faut les y aider,
et c’est là encore que les parents ont une responsabilité particulière. D’abord
parce qu’ils doivent se rendre compte de ce qui est le meilleur pour le
développement psychique de leurs enfants. Et contrairement à ce qui se passe à
l’heure actuelle, le meilleur choix consiste à privilégier l’éducation, la
formation du caractère plutôt que l’instruction et l’acquisition des
connaissances. La situation des jeunes qui font des études est par certains
côtés très enviables, évidemment : ils ont la chance de s’enrichir
intellectuellement par la connaissance, en même temps qu’ils obtiennent des
diplômes qui leur permettront de gagner leur vie et d’avoir une place dans la
société. Les études sont nécessaires, indispensables, mais la véritable
compréhension de la vie n’est pas là.
A
la sortie de leurs études universitaires, combien d’étudiants se retrouvent
désorientés, dans le vide. Ce qu’ils ont appris n’a réussi qu’à encombrer leur
cerveau, à semer en eux le doute et la confusion. Connaître la littérature, la
philosophie, l’histoire, la biologie, l’économie, etc… c’est bien, mais c’est
insuffisant. Et les parents, les responsables de l’Instruction publique et tous
ceux qui s’efforcent de faciliter aux jeunes l’accès vers les études, n’ont pas
fini de s’étonner en voyant que tout cela ne les empêche pas de partir à la
dérive ou de tomber dans la délinquance. Autant qu’ils en sont capables et
qu’ils en ont le goût, les jeunes doivent faire des études ; mais ce n’est
pas ces études qui feront d’eux des êtres véritablement sociaux.
Combien
de fois on peut l’observer. Dans les difficultés on s’attendrait de la part de
gens instruits et cultivés qu’ils fassent preuve de jugement et d’une certaine
force de caractère. Mais le plus souvent, ce n’est pas du tout ce qui se
passe ; un rien les met dans des états pitoyables de colère ou de
dépression, sans qu’ils puissent y remédier. Toute leur instruction ne leur
sert à rien. Et alors ?...
L’essentiel, c’est de vivre, ce n’est pas d’être professeur, ingénieur
ou médecin. Et pour vivre, pour affronter toutes les réalités de l’existence,
il est important de renforcer son caractère. Celui qui ne s’est instruit que
dans les livres est incapable d’affronter les réalités de la vie, il ne peut
pas comprendre les autres et encore moins les supporter.
Combien
j’en ai vu, de ces gens instruits qui étaient toujours faibles, toujours
flottants, toujours à la merci des circonstances. Ils ont lu des bouquins
qu’ils commentent en faisant des citations, c’est tout. Mais à quoi ça leur
sert de se pavaner avec les richesses des autres ? Ce qu’ils sont arrivés
à réaliser, eux, voilà ce qu’ils doivent montrer. S’ils en sont incapables,
qu’ils laissent leurs connaissances livresques tranquilles et qu’ils aillent enfin
s’exercer à l’essentiel : travailler sur leur caractère.
Les
humains sont bizarres ; ils n’admirent que les gens diplômés, décorés,
haut placés, mais quand ils ont à pâtir des agissements de l’un d’eux, ils se
plaignent : "Comme il a mauvais caractère. Quel caractère
épouvantable" ! …Ou bien : "Qu’il est faible. Il n’a
pas de caractère…" Là, tout à coup, ils oublient que ce bonhomme est
docteur de quatre ou cinq universités, qu’il a écrit une trentaine de livres,
ils s’arrêtent sur le caractère. Il faut qu’ils soient eux-mêmes piqués,
mordus, malmenés ou déçus pour comprendre que la question du caractère passe
avant celle de l’instruction.
Pour
leur bon développement, les jeunes ont moins besoin de professeurs érudits que
de véritables pédagogues qui leur révèlent ce qu’est la vie et comment ils
doivent la vivre pour que les forces, les qualités, les dons qu’ils possèdent
puissent se manifester vraiment en plénitude. Et surtout ce qu’il faut, c’est
donner une autre orientation aux études, car ces connaissances que les
étudiants acquièrent à l’Université, au service de qui ou de quoi les
mettent-ils ? Combien y en a-t-il qui prennent conscience de leur
responsabilité et qui se disent : "Avec tout ce que j’ai appris, il
faut que je fasse le bien, que j’aide les autres. Ce n’est pas moi seul qui
dois en profiter" ? Et prenons même les médecins ; croyez-vous
que ce soit toujours par souci de soulager les souffrances humaines qu’ils ont
choisi ce métier ?... Et les avocats ? Et les chimistes, les
ingénieurs, les économistes, les journalistes, etc… mettent-ils vraiment leurs
capacités et leurs connaissances au service des autres ? ça leur est bine
égal de polluer la nature, de fabriquer des armes, de tromper et de ruiner des
gens, de les entraîner dans des aventures désastreuses ou de détruire leur
réputation. Ce qu’ils veulent, c’est le succès, le confort, les plaisirs…
Tant
qu’on négligera la formation du caractère au profit du développement de
l’intellect, les connaissances données dans les écoles et les universités ne
seront pour les jeunes que des moyens de réussir à tout prix dans le monde, de
tromper les autres, de les évincer, mais jamais de se transformer pour devenir
des bienfaiteurs de l’humanité. S’ils sont égoïstes, ambitieux, craintifs,
orgueilleux, sensuels, avares, ils le resteront. Les études par elles-mêmes ne
rendent pas les êtres meilleurs. Au contraire, souvent elles font d’eux de véritables
dangers publics. En revanche, des connaissances dans les mains de ceux qui ont
travaillé sur leur caractère et sont décidés à les utiliser non pas pour leur
propre profit, mais pour le bien de tous, voilà une source de bénédictions.
En
même temps qu’on donne l’instruction aux jeunes, il faut leur faire comprendre
que la vie es tune aventure très sérieuse, où il y a des quantités de choses à
comprendre, et que pour affronter les problèmes qu’elle va fatalement leur
poser, il est nécessaires qu’ils travaillent aussi sur eux-mêmes, qu’ils
développent des qualités psychiques et morales qui leur permettront de mieux
accepter les autres. Et les autres, ce n’est pas seulement leur entourage
immédiat ; la famille, les camarades etc.. Dès leur jeune âge déjà, il
faut habituer les garçons et les filles à entrer en relation avec toutes sortes
de personnes différents d’eux par le milieu social, la formation, l’âge, la
nationalité, la religion, la race, afin de les familiariser très tôt avec
toutes les situations humaines. Car s’ils ne sont pas prêts, le jour où ils
seront en face de ces situations, ils vont faire preuve d’incompréhension et
même, sans le vouloir, de méchanceté, de cruauté. En réalité tout cela revient
à dire que les parents ont la responsabilité de donner à leurs enfants une
compréhension plus large de la famille.
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