De nos jours les hommes divisent le Christ,
et il est pour eux " historique", "cosmique", "
mystique " etc.
Mais le Christ est par lui-même un et
indivisible. Il n'y a qu'un seul Christ - le Christ vivant qui est la
manifestation de Dieu, la manifestation de l'Amour. Le Christ, c'est Dieu qui
se révèle au monde.
Etant la manifestation de Dieu, le Christ
ne peut être séparé de Lui ; on ne peut le concevoir en dehors de Lui. Et
lorsque je parle du Christ, je ne le considère pas comme un principe abstrait
mais comme la personnification réelle de l'Amour.
L'Amour n'est pas quelque chose d'abstrait,
mais la plus sublime réalité, une réalité admirable tant par sa forme que par
son contenu et son sens sublime. La plus complète expression de l'Amour a été
donnée à la terre par le Christ, et peu importe qu'il soit pour les hommes
"historique", "cosmique "ou "mystique ". Parce
que soit comme personnalité " historique", soit comme essence
"cosmique " ou fait "mystique ", le Christ est et restera
la plus parfaite expression de l'Amour. Et en vérité, avant le Christ, aucun
homme n'a eu, sur la terre, un plus grand amour que Lui. Et ni au dehors, dans
le "cosmos", ni au dedans, dans les profondeurs mystiques de l'âme,
il n'y a nulle part de plus parfaite expression de l'Amour que celle que nous
voyons personnifiée dans le Christ. Et alors comment faut-il comprendre ces
mots : le Christ "historique", "cosmique "et
"mystique" ?
En tant que manifestation visible sur la
terre, à un moment donné historique, comme homme idéal, comme le modèle du
véritable homme. II est "historique". Et le temps lui-même le signale
alors et lui rend témoignage :
"Voilà l'homme ! Voilà l'homme vrai en
qui vivent l'Amour, la Sagesse et la Vérité et qui met en pratique ces hautes
vertus ! " ; Si intérieurement on le connaît, il devient
"mystique "; et pour celui qui le conçoit et le reconnaît comme
l'Etre Suprême manifesté dans le monde. II devient "cosmique ". Et
alors le côté physique de ce Christ est à proprement parler l'humanité entière
réunie en un tout. Toutes les âmes humaines en lesquelles vit le Christ et qui
sont réunies en un tout, constituent son côté physique.
Tous les anges réunis dans le cœur du
Christ représentent son côté spirituel. Et toutes les divinités qu'il porte
dans sa pensée sont le côté divin du Christ. Le Christ cosmique, c'est donc
Dieu manifesté, c'est le Verbe. Aussi le mystique voit-il partout le Christ -
l'auguste Frère de l'humanité, la Première Image de l'Homme, le Premier-Né dans
le monde, le commencement du genre humain, le commencement de l'évolution
humaine. C'est le Premier-né qui a développé et manifesté toutes les vertus
divines et appliqué toutes les lois de Dieu. C'est le Premier-Né qui a soutenu
victorieusement toutes les épreuves et a tout sacrifié pour ses frères.
Les montagnes, les plaines, les sources,
les rivières, les mers, avec les innombrables richesses naturelles qui y sont
contenues, tout cela est l'expression de cet auguste Frère. Mais c'est un
mystère si profond qu'il faut des milliers d'années d'un travail assidu pour
arriver à le pénétrer. C'est ainsi, dans son ampleur, qu'il faut concevoir le
Christ. Il est un, bien qu'il soit pour la plupart des hommes le Christ
"historique", "cosmique " ou "mystique".
Tous ces termes doivent devenir vivants en
nous par notre juste compréhension du Christ - l'Amour de Dieu manifesté - et
ne pas rester à l'état de sèches conceptions qui sont de vraies prisons pour la
pensée humaine. Et en vérité, le Christ "historique" venu il y a deux
mille ans n'est-il pas pour beaucoup de chrétiens une prison où se trouve
enfermée leur intelligence ? Et ce Christ d'il y a deux mille ans, où a-t-il
parlé de lui comme d'une personnalité historique ? Il parie de lui comme de
l'Esprit qui demeurera sur la terre jusqu'à la fin des siècles, c'est-à-dire
jusqu'à l'achèvement de cette époque de violence et de mal qui vit ses derniers
jours.
"Allez et annoncez la parole de Dieu
", dit-il à ses disciples," et je serai avec vous jusqu'à la fin des
siècles". Une des plus grandes erreurs est de croire que le Christ
est au "ciel" et qu'il y reste
pour attendre le jugement dernier afin de juger alors les "vivants "
et "les morts". Ce qui est vrai, c'est que le Christ n'a jamais
quitté la terre. Rappelez-vous ses paroles : "Toute puissance m'a été
donnée au ciel et sur la terre".
C'est le Christ qui a été, qui est et sera
l'éternelle force motrice de la vie "historique",
"cosmique" et "mystique" de l'humanité. Sans le Christ il
n'y a pas d'histoire.
Sans le Christ il n'y a pas de
"cosmos", c'est-à-dire qu'il n'y a pas de monde organisé et ordonné.
Sans le Christ il n'y a pas de vie "mystique".
Il est de tout temps le grand inspirateur
de toutes les révélations. Il est le moteur invisible de toute la vie
spirituelle, la cause de toutes les expériences acquises par l'humanité.
L'Ecriture sainte, où le Christ nous apparaît comme la figure centrale en fait
foi. Le Christ lui-même y fait allusion par ces mots : "C'est de moi
qu'ont parlé Moïse et les prophètes". Moïse, dans un sens très large,
représente tous les guides spirituels de l'humanité - savants, philosophes,
écrivains, poètes, peintres, musiciens - qui préparent les intelligences
humaines à comprendre le Christ, la Vérité divine.
Quelque transitoires que paraissent leurs
productions, quelques variables que soient leurs théories, elles ne sont
cependant pas arbitraires ; elles sont créées sous l'influence d'une loi
générale de l'Esprit qui opère chez les hommes d'une manière spéciale. Tous ces
hommes, par conséquent, ont travaillé à l'élévation de l'humanité dans toutes
les directions et ont préparé le chemin pour la venue du Christ. Car il n'est
pas aisé à un Grand Esprit tel que le Christ de venir parmi les hommes. Il faut
que les hommes travaillent dur pendant des milliers d'années pour que le Christ
vienne parmi eux. Il n'est pas facile de descendre sur la terre. Mais par sa
descente sur la terre, le Christ a inauguré une nouvelle époque dans le
développement de l'humanité. Il a tracé la voie, l'unique voie par laquelle il
est possible à l'âme humaine de monter jusqu'à Dieu.
Et c'est pourquoi il a dit : "Je suis
la Voie, la Vérité et la Vie".
La Voie - dans le sens très étendu du mot - c'est le mouvement de
l'Esprit dans la sage application des lois de la Nature. La Vie - c'est
l'harmonieuse organisation des éléments et le développement régulier des forces
dans l'âme divine.
La Vérité - c'est la manifestation du Dieu Unique qui
crée les conditions nécessaires au développement de tous les êtres vivants.
Le Christ, sorti du monde divin de la
Vérité et descendu dans le monde matériel, relie les âmes humaines au monde de
la Vérité qui recèle les buts suprêmes de tout ce qui est. Il faut qu'il y ait
un fil qui puisse relier à Dieu les âmes humaines profondément enlisées dans la
matière. Seul le Christ peut faire passer ce fil. Lui seul peut unir les hommes
à Dieu. Parce que Lui qui est descendu du monde divin, apportant la vie du
monde de la Vérité, y remonte de nouveau, traçant ainsi la voie qui mène de la
vie temporaire à la vie éternelle. "Et la vie éternelle, dit le Christ,
c'est de Te connaître Toi, le Seul Vrai Dieu et celui que Tu as envoyé -
Jésus-Christ". De connaître Dieu - les germes de l'Esprit, les conditions,
les forces et les lois sur lesquels s'édifie et s'affermit l'ordre majestueux
des choses.
Et le Christ - le principe souverainement
sage qui sort du Seul Dieu, le principe qui donne la vie à tous les êtres, les
dirige et les protège en les reliant au centre primordial de tout ce qui est.
Le Christ est le chemin de ce mouvement intelligent des âmes qui conduit à ta
vie éternelle dans la Vérité. Et c'est pour cela, lorsqu'on demande au Christ
pourquoi il est venu sur la terre, qu'il répond : "Je suis né et je suis
venu dans le monde pour rendre témoignage de la Vérité".
Ces mots sont à vrai dire une formule
mathématique. La question de la venue du Christ est une des questions les plus
profondes qui se présentent à l'esprit humain. Mais l'on croit en général qu'il
est facile de répondre à cette question, et l'on dit que le Christ est venu sur
la terre pour souffrir et sauver l'humanité. Mais la souffrance n'est pas ce
qu'il y a de plus essentiel dans la venue du Christ sur la terre et elle, par
elle-même, ne peut déterminer ce moment important dans l'histoire de
l'humanité. Le salut, ainsi que l'entendent les hommes, n'est également qu'une
conception partielle de cet événement important. Cependant tous les
prédicateurs déclarent aujourd'hui que le Christ est venu sur la terre pour
sauver les hommes. Si le Christ avait sauvé le monde de la manière mécanique
admise par la plupart des gens, et si ces gens étaient effectivement sauvés,
ils ne vivraient pas comme ils vivent, c'est-à-dire contrairement à l'esprit de
l'enseignement du Christ.
Il est évident que l'idée du salut renferme
un tout autre sens. Le salut n'est pas là où les gens le cherchent, et il ne
leur vient pas mécaniquement comme ils le croient.
C'est une science pour l'âme que le Christ
apporta à la terre. Il montra le chemin que les âmes humaines doivent suivre
pour arriver à connaître Dieu, pour acquérir la vie éternelle. La porte de ce
chemin est l'Amour. Celui qui passe par cette porte entrera dans la voie royale
où il aura à accomplir de grandes choses. Avant le Christ beaucoup de grandes
âmes sont descendues sur la terre, mais elles n'ont pu résoudre le difficile
problème du relèvement de l'humanité. Il fallait que le Christ vînt pour mener
à bien cette tâche importante, essentielle et pour montrer aux hommes un chemin
déjà expérimenté qu'ils n'auraient qu'à suivre afin de pouvoir, eux aussi,
remplir leur tâche avec succès.
Avant le Christ, Dieu avait envoyé à son
champ ses serviteurs - des prophètes, des saints - mais ils ne purent mener
leur travail à bonne fin. Lorsque le Christ, "le Fils de Dieu",
descendit sur la terre, tous les travailleurs du ciel s'unirent en son nom afin
d'achever l'œuvre commencée. Et l'on dit dans l'Evangile : "Dieu a
tellement aimé le monde qu'il lui a donné son Fils Unique afin que quiconque
croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. Le Fils c'est
la parole, ce qui est supérieurement sage, le divin qui seul peut rétablir
l'harmonie dans le monde ainsi que le lien entre les âmes et Dieu. Le Christ a
pu rétablir ce lien et exercer une profonde influence sur l'humanité tout
entière parce qu'il était lui-même lié à l'auguste, au puissant Tout.
Et lorsqu'on parle dans l'Evangile de la
descente de l'Esprit sur Jésus, on sous-entend qu'il s'est uni à l'Esprit
collectif universel.
Car telle est la loi sur la terre : pour
que l'œuvre de Dieu s'accomplisse, il faut qu'un homme de la terre s'unisse à
un être du Ciel. Dans le cas du Christ, cet être était l'Esprit divin
collectif. De ce point de vue, le Christ est un esprit collectif.
Il existe comme unité mais il est en même
temps esprit collectif. Il est l'ensemble de tous les Fils de Dieu dont les
âmes et les cœurs débordent de vie et d'amour. Tous les Fils de Dieu unifiés,
toutes les âmes supérieurement intelligentes vivant dans l'union divine, c'est
cela qui est le Christ. La venue du Christ sur la terre est l'événement le plus
important dans l'histoire de l'humanité. C'est un événement exceptionnel et par
ce qu'il renferme et par sa signification. L'idée fondamentale de la vie
humaine s'y trouve étroitement liée - l'idée de l'immortalité, l'idée de la vie
éternelle. Et les efforts de toute l'existence humaine aujourd'hui ne sont
dirigés que vers ce but : acquérir l'immortalité, entrer dans la vie éternelle.
"Et la vie éternelle", dit le Christ, "est de Te connaître Toi,
le Seul Vrai Dieu et celui que Tu as envoyé, Jésus-Christ".
De connaître Dieu, de connaître le Christ.
Les hommes connurent-ils le Christ
lorsqu'il parut il y a deux mille ans ? Et le connaissent-ils davantage
aujourd'hui ?
Lorsque la Vérité parait dans le monde,
elle ne se présente pas vêtue d'un somptueux manteau royal, mais elle porte les
habits les plus simples. Et c'est parce que le Christ parut aussi sous une
forme très ordinaire, il y a deux mille ans, que les hommes ne purent le
connaître. Mais telles sont les lois de ce monde. Parce qu'il était simplement
vêtu, ayant comme tout le monde l'apparence d'un homme, ses disciples même ne
le connurent pas pleinement. Deux ou trois seulement d'entre eux, lors de la
transfiguration du Christ, virent son " visage", c'est-à-dire son
côté intérieur, ce qui était caché sous l'enveloppe extérieure. Dans cette
clarté intérieure qui les illumina ils le connurent, ils le virent tel qu'il
était parmi les anges.
Pour les Juifs, le Christ était "le
fils de Joseph, le fils du charpentier". Pour les scribes et les
pharisiens, il était le blasphémateur, le prétendu messie qui se glorifiait du
titre de "Fils de Dieu". Il n'était pas de leur milieu et ne s'était
pas fait instruire par eux.
Où avait-il étudié ? Car il prouva par tout
ce qu'il fit qu'il avait des connaissances d'une immense étendue. Il y a
cependant encore aujourd'hui des gens qui pensent que le Christ était un
simple, un ignorant. Il n'en est pourtant absolument pas ainsi. Le Christ
lui-même s'adressant à ceux qui l'écoutaient, dit : " Si vous ne comprenez
pas les choses de la terre dont je vous parle, comment comprendrez-vous celles
du ciel ? par les "choses du ciel
" le Christ entendait les grands mystères du Soleil. II comprenait
cependant aussi les choses de la terre. Il connaissait la cabale de ce
temps-là, la philosophie des peuples orientaux et des Grecs ainsi que toutes
les sciences d'alors. Il est vrai que le Christ n'a pas eu besoin d'étudier
dans les écoles des hommes, d'autant plus que toute sa vie terrestre a été par
elle-même pour lui une continuelle leçon de choses.
Sa vie a été pour lui la source d'une
nouvelle expérience, un champ d'application des sublimes principes et lois
qu'il avait connus dans leur action même au sein du monde invisible. Grâce à sa
conscience suprêmement éveillée, et grâce au lien qui l'unissait au monde
invisible, il pouvait en toute occasion y puiser directement ses connaissances.
Et lorsque le Christ priait, sa prière était un entretien avec le monde
invisible, avec toutes les hiérarchies qui s'y trouvent, avec Dieu. Pendant
qu'il priait au Jardin des Oliviers, le monde invisible lui révéla la sublime
leçon qu'il devait apprendre sur la terre ainsi que la tâche qu'il aurait à
résoudre dans le cadre de la vie terrestre.
Le Christ accomplit sa dure et pénible
tâche et c'est à peine alors qu'il comprit expérimentalement que la seule voie
qui mène au salut de l'humanité est l'Amour. C'est alors aussi qu'il saisit le
sens profond de toutes ses souffrances. Pour les humains cependant - quoi qu'ils
en disent - les souffrances du Christ, son crucifiement et sa mort infamante
n'en restent pas moins une des plus grandes énigmes.
Pourquoi le Christ, l'âme la plus sublime
qui ait jamais visité la terre, le plus grand caractère qui se soit jamais
manifesté, pourquoi fallait-il que cet homme bon, sage et fort mourût si
tragiquement ?
Les livres saints disent que c'était
"écrit " - et rien de plus. D'autres affirment que cela devait
arriver pour que le monde fût sauvé. Le Christ lui-même cependant dit qu'il est
venu dans le monde pour rendre témoignage de la Vérité. Mais il est une chose
que l'on peut hardiment affirmer - le Christ fut crucifié parce que, au dehors,
l'Amour ne prit aucune part à sa vie. Et là où l'Amour ne prend point part,
c'est là que surgissent les plus grandes contradictions, c'est là que
paraissent les plus cruelles souffrances, les drames les plus poignants et les
plus douloureuses tragédies. Ce n'est pas l'Amour qui les crée, mais les
querelles, les rivalités qui naissent à son sujet. L'Amour par lui-même ne
répand en tous lieux que lumière, paix et joie. Mais quoi qu'il en soit, nous
voyons qu'il a été permis que le Christ fût crucifié. Sur la croix le Christ
vécut ce que l'on peut appeler des souffrances idéo-mystiques - les souffrances
les plus profondes et les plus intenses qu'une âme humaine puisse endurer.
Il devait boire jusqu'au fond la coupe de
la souffrance - cette coupe où se trouvait amassée la lie amère du passé. Mais
c'est pendant qu'il passait par ces souffrances condensées, intenses que tous
les mystères du passé lui furent révélés. Et voilà pourquoi, reconnaissant
l'importance du moment, après le drame intérieur vécu au jardin Gethsémani, le
Christ dit : "C'est pour cette heure que je suis venu». Au moyen de la puissante
alchimie de l'Amour, le Christ transmua les poisons accumulés dans la coupe et
de cette manière il mit fin une fois pour toutes à la violence. Et en vérité,
le Christ qui était un homme fort, génial, qui connaissait sa haute origine,
qui prévoyait tout n'aurait-il pu se soustraire aux souffrances qui
l'attendaient ? Il se trouvait devant la troublante alternative - ou de
convoquer les cohortes angéliques à l'aide desquelles il eût pu anéantir et le
peuple juif et l'empire romain, de se servir c'est-à-dire des méthodes du
passé, de la méthode de la force et du glaive à la manière de Moïse et d'Elie,
de la méthode des mages antiques et des adeptes - ou d'accepter le calice des
souffrances et la croix et de tout surmonter par la force de l'Amour. Il prit l'amer
calice et la croix - c'est le choix que fit sa grande âme - et ce fut sur la
terre une expérience grandiose, la première en son genre.
Et si vraiment le Christ avait eu peur des
souffrances, s'il avait eu peur de la croix où il fut ensuite crucifié, et des
clous qui lui percèrent les mains et les pieds, et de la lance qui lui ouvrit
le côté, il n'eût pas résolu d'une manière nouvelle et essentielle le difficile
problème du relèvement de l'âme humaine. Il fit tout fondre - les outrages et
les coups de fouets, et la croix et les clous et la lance - dans le feu de
l'Amour, le seul feu qui puisse fondre les armes de la violence. Et son œuvre
fut couronnée d'un plein succès. Le Christ résolut donc ainsi le problème dont
dépendait l'avenir de l'humanité et ouvrit la voie du salut à ces pauvres âmes
souffrantes pour lesquelles il était venu.
C'est précisément pour ces âmes simples
mais élevées qui eurent le courage d'avoir foi en lui - et non pour les
savants, les forts, les gens religieux de son siècle - que le Christ donna sa
vie, afin qu'elles pussent vivre dans l'Amour qu'il leur légua.
Les souffrances du Christ recèlent quelque
chose d'auguste. Elles représentent le côté caché de sa vie, que le monde
ignore complètement. Et cependant, lorsque je parle de ses souffrances, je vois
soudain surgir dans ma pensée deux qualités admirables du Christ : sa patience
incomparable et sa profonde humilité. Grâce à elles, il supporta les insultes,
les outrages et les offenses dont on l'accablait. Devant tout ce déchaînement
il resta doux, calme et impassible comme si de rien n'était. Pas une larme ne
coula de ses yeux. Et nous le voyons devant nous, grand par sa sublime
patience, par son prodigieux pouvoir sur lui-même, par son puissant amour.
C'est le rocher que rien ne peut entamer.
Le crucifiement du Christ fut une tragédie,
mais cette tragédie eut un heureux dénouement - La résurrection.
Le Christ ressuscita, et par sa
résurrection il vainquit la mort. Et comme, dans la souffrance, on lui
découvrit les mystères du passé, c'est ainsi qu'il obtint, dans la
résurrection, la révélation de l'avenir. Dans la figure du Christ nous avons un
homme véritablement fort, un esprit puissant, un héros. Il a tout surmonté, et
les tourments, et la croix et la tombe. Le Christ ne porta point jusqu'au bout
la croix de bois. Il ne la porta que jusqu'à un certain endroit et la jeta
ensuite à terre. Les gens pensent qu'il fit ce geste parce qu'il succombait
sous son poids.
Non, le Christ n'était pas faible. Il
pouvait porter la croix, mais la laissa afin de montrer à l'humanité le sort
auquel elle pouvait s'attendre. Il voulait dire : "Je consens à porter la
croix des souffrances des hommes vivants mais je ne veux pas de ces croix de
bois !» Cependant les chrétiens d'aujourd'hui portent et baisent encore
toujours la croix de bois que le Christ lui-même méprisait !
Après avoir jeté à terre la croix de bois,
le Christ se redressa et, droit, la tête haute, il reprit son chemin vers le
Golgotha. On le cloua à la croix, mais il n'y resta pas longtemps. Il se
décloua lui-même. Comment ? Ce fut bien simple : il sortit de son corps et se
rendit chez Joseph d'Arimathie. Il fut enseveli et l'on scella la pierre du
tombeau. Mais il en sortit également. II ne voulait pas laisser dans la tombe
son corps qui était vivant et le ressuscita.
L'ange qui causa sa mort emporta son âme
aux enfers ; mais le Christ n'y demeura pas longtemps non plus. Son entrée dans
le sombre royaume fut le signal d'une vraie révolution ; une agitation extrême
s'empara soudain de tous ses habitants, et II leur donna à toute la liberté.
Après sa résurrection le Christ n'était pas seul comme on est porté à le
croire. Dans l'enfer, il était à la tête d'une grande armée d'anges qui
purifièrent ce lieu de tourments en libérant tous les prisonniers. Par tout
cela le Christ a prouvé que le fort ne peut être retenu sur la croix ni rester
enfermé dans la tombe. Le fort ne meurt pas - il ressuscite et donne de plus la
vie aux autres.
Le Christ fut le cœur de Dieu et c'est
pourquoi il ressuscita. Le cœur de Dieu ne peut mourir. Et il retourna d'où il
était venu. Mais par toute cette tragédie qui se déroula au Calvaire, il infusa
un sang nouveau dans les veines épuisées de l'humanité et donna une nouvelle et
plus forte impulsion à la divine circulation du sang de la vie. L'on ne vit
qu'un côté de la figure du Christ lorsqu'il vint il y a deux mille ans. Nous le
voyons abreuvé d'humiliations, nous le voyons dans les douleurs, dans les
souffrances et les épreuves. Nous le voyons comme le héros de l'expiation. Mais
le Christ dans toute sa gloire, dans sa puissance et dans sa force divine, ce
Christ-là, les hommes ne le connaissent pas encore. Il est fort, il est
puissant maintenant, le Christ !
Dans le passé, on lui perça les mains de
clous. Aujourd'hui cette chose est impossible, et ceux qui la tenteraient
disparaîtraient en un clin d'œil. Dans le passé, on mit le Christ en croix ;
mais aujourd'hui il n'y a pas d'arbre assez grand pour pouvoir l'y clouer. Le
Christ ne peut être crucifié une deuxième fois ! Le Christ vient visiter
maintenant les intelligences et les cœurs humains. Il abattra toutes les
prisons, il renversera toutes les fausses doctrines, tout ce qui détruit la
pensée, le cœur de l'homme, tout ce qui retient la vie humaine dans les chaînes.
Il est le Christ vivant qui apporte la vie,
la lumière et la liberté à toutes les âmes, qui élève les hommes et éveille en
eux l'amour pour tout ce qui est. Quand je dis que le Christ vient maintenant,
on ne doit pas s'imaginer qu'il viendra par quelque moyen extérieur. Non, le
Christ ne viendra pas de cette manière ; il ne paraîtra ni dans la forme
humaine ni dans n'importe quelle autre forme. Lorsque les rayons du soleil
entrent dans vos demeures, est-ce le soleil lui-même qui vient vous visiter ?
Rappelez-vous que le Christ est la
manifestation de l'Amour de Dieu.
Et il viendra comme une lumière intérieure
dans les âmes et les cœurs des hommes. Cette lumière les attirera tous autour
de Lui comme autour d'un centre auguste.
Lorsqu'on parle du second avènement du
Christ sur la terre, on entend par là que les âmes et les cœurs humains
s'ouvrent à cette lumière et qu'ils reçoivent le Christ au dedans d'eux-mêmes.
Si le monde ne le reçoit pas de cette manière, la vie d'aujourd'hui continuera,
une vie sans amour, parsemé de souffrances et d'infortunes, une vie dévastée
par des croyances extérieures, par la superstition et l'erreur. Ces croyances
extérieures enserrent de leurs chaînes bien des gens religieux et les empêchent
d'avancer, et c'est parfaitement convaincus qu'ils disent : "Le Christ a
annoncé la Parole de Dieu il y a deux mille ans. Il a dit tout ce qu'il avait à
dire et est remonté au ciel où il attend le jour du jugement dernier ; il
viendra alors pour juger les vivants et les morts" .
Mais moi je vous dis : "Le Christ n'a
pas annoncé la parole de Dieu dans le temps et l'espace !" Nous ne
considérons pas le Christ et son enseignement comme quelque chose de passé.
Nous ne considérons pas le Christ et son enseignement comme quelque chose qui
viendra à l'avenir. Nous considérons le Christ et son enseignement comme
quelque chose d'éternellement présent. Aussi n'est-ce pas seulement pendant ses
trois années de prédication que le Christ a parlé ; il n'a cessé de le faire
pendant deux mille années. Et s'il était possible de rétablir tout ce qu'il a
dit durant les trois années qu'il prêcha aux gens d'alors ainsi que ce qu'il a
dit au cours des deux mille années, on aurait des connaissances d'un prix
inappréciable. Mais de ce qu'il a dit même au cours des trois années les plus
actives de sa vie, bien peu de chose a été gardé - rien que des fragments. Et
tant d'épîtres de Paul et des autres apôtres sont restées ignorées du monde.
Elles verront cependant une fois le jour. On les révèle d'ailleurs à présent
mais seulement aux disciples avancés.
Croyez-vous d'un autre côté que le Christ
ait exposé toute sa doctrine ? En comparaison de ce qu'il portait en lui, il
donna très peu de chose aux gens d'alors. Ces gens n'étaient pas en état de
l'entendre. Aussi ne leur parlait-il qu'en paraboles. Le Christ ne voulait pas
mettre aux mains des ignorants des armes qu'ils eussent pu tourner contre lui.
Du reste, si le Christ venait aujourd'hui, parlerait-il, croyez-vous, comme il
parlait en ce temps-là ? Il parlerait tout autrement. II enseignerait avant
tout la sublime science de l'Amour et la manière de l'appliquer. Il nous
montrerait la voie du "discipulat", de la fraternité et du service.
La loi de l'évolution exige qu'il en soit ainsi de nos jours. Et maintenant le
Grand Maître s'adresse à toutes les âmes éveillées et leur fait connaître les
principes du nouvel Evangile qui veut :
Que tous soient des disciples zélés, de
bons frères, de fidèles et vrais serviteurs !
Car seuls les disciples zélés, les bons
frères et les vrais serviteurs pourront être des créateurs de la nouvelle
culture dans laquelle le Christ vivra en chaque homme et parmi tous. Ce ne sont
pas des croyants ordinaires que le Christ cherche aujourd'hui, ni des gens qui
se font la guerre, ni des maîtres et des sacrificateurs, mais de véritables
hommes - des créateurs du nouveau, des disciples, des frères et des serviteurs.
Il ne veut pas de ces hommes qui ne font
que le crucifier au dedans d'eux-mêmes. Il veut des hommes qui lui offrent leur
cœur pour qu'il y vive, des hommes qui l'invitent à demeurer en eux et parmi
eux. Il veut des hommes qui soient un avec Lui. Le Christ annonce aujourd'hui une culture
sans croix : la culture de la résurrection !
Parce que nous avons vu les résultats de la
culture contemporaine créée par ceux qui mirent le Christ en croix. Le temps
est venu de poser les fondements d'une nouvelle culture, d'une culture qui
devra être édifiée non par ceux qui se prosternent devant l'image du Crucifié,
mais par des hommes-frères en qui vit le Christ ressuscité - le Christ vivant
de l'Amour.
La base de cette culture sera l'Amour.
Parce que l'Amour est l'unique force qui
puisse transformer les hommes d'aujourd'hui et en faire de zélés disciples, de
bons frères, de fidèles et vrais serviteurs, des créateurs de la nouvelle vie !
C'est cela le "nouveau" que le Christ apporte aujourd'hui à
l'humanité, c'est cela la Parole de l'Auguste Fraternité Universelle, c'est
cela que nous entendons lorsque le Maître parle. Mais n'y aura-t-il pas alors
beaucoup de croyants - qui se disent chrétiens - pour qui Sa Parole sera un
scandale ? Et pourront-ils Le connaître ?
Ils continueront leurs interminables
discussions au sujet du Christ "crucifié", du Christ
"historique" et "cosmique", du Christ ainsi que le
conçoivent les différentes églises ; mais l'esprit de sa Parole Vivante leur
restera à jamais étranger. C'est pourquoi je vous dis : Laissez de côté toutes
les définitions et délimitations du Christ. Sachez qu'il n'y a qu'un seul
Christ du suprême Amour, qui opère maintenant dans le monde, qui opère dans
l'âme des hommes. C'est de ce Christ que je vous parle - non du Christ
"historique " ou "crucifié". D'ailleurs comme personnalité
historique il est suffisamment connu ; mais les hommes ne le connaissent pas
comme le Vivant Amour ! Je vous parle du Christ Vivant, de ce Christ qui porte
en lui la vie, qui donne à ceux qui l'aiment la science vivante et la lumière,
la vérité et la liberté. Je vous parle du Christ, qui nous apporte toutes les
méthodes pour l'édification d'une vie vraiment raisonnable. C'est lui le Grand
Christ, celui que l'on nomme la Tête de l'Auguste Fraternité Universelle.
Toutes les grandes âmes le connaissent et
il n'existe parmi elles aucune sorte de discussion à son sujet. On ne demande
ni qui il est, ni comment il est, ni ce qu'il a été, ni où il est à présent, ni
quelle place il occupe dans la hiérarchie des Maîtres, etc., etc. Ils ne
discutent pas car ils savent avec une certitude absolue quelle place le Christ
prend dans le Tout, comme ils savent la place des autres grands hommes qui ont
paru et paraissent dans le monde. C'est ce Christ que les hommes doivent
connaître aujourd'hui ! C'est lui qu'ils doivent voir. Il faut qu'ils le voient
et le connaissent. Parce qu'il en est beaucoup qui veulent nous persuader que
nous pouvons être de vrais chrétiens sans le voir et le connaître
intérieurement. Mais moi je soutiens qu'il ne sortira rien de celui qui ne peut
voir le Christ. Cependant pour que l'homme puisse le voir, il faut qu'il ait un
entendement, un cœur, une âme et un esprit semblable aux siens. Tous ceux à qui
le Christ est apparu avant qu'ils se fussent trouvés en cet état, sont tombés
la face contre terre. Et un homme tombé que peut-il voir ?
L'homme doit aller boire à la source même
et non à la rivière dont l'eau est trouble à cause des éléments impurs qui y
sont entrés. Suis le chemin de la source - il est un peu long et difficile ;
mais tu boiras, en revanche, de cette eau vive de la source même et cette eau
rafraîchira à jamais ta pensée et ton cœur. A tes yeux se découvriront de
splendides paysages, de larges horizons jamais vus jusqu'alors. Sur cette
montagne où jaillit l'eau vive, tu entendras la voix de Dieu. Ne cherche
cependant pas à y rester. Descends dans la vallée parmi tes frères. Descends,
et là, en bas, tu appliqueras en ta qualité de disciple, de frère et de
serviteur la Parole vivante de ton Père Céleste qui t'a tendrement attiré par
les liens de son Amour.
Ces liens subtils sont entre les mains du
Christ, le Dieu manifesté de l'Amour.