Il n'existe rien dans le monde visible
qui ne soit un reflet, une représentation du monde invisible. Prenons l'exemple
de la famille, schématiquement le père, la mère, le fils, la fille: c'est une
réalité sur la terre. Eh bien, on doit comprendre qu'au niveau le plus élevé la
famille existe aussi, sous forme de principes cosmiques qui travaillent dans
l'univers.
Et ces principes cosmiques sont
représentés par le nom sacré de Dieu, Iod Hé Vav Hé que la tradition
kabbalistique appelle aussi le Tétragramme (du grec « tétra »: quatre, et «
gramma »: lettre). Les quatre lettres du nom de Dieu correspondent aux quatre
principes qui agissent dans l'univers, et qui agissent aussi dans l'homme, car
l'homme a été créé à l'image de l'univers. Iod est le principe masculin créateur,
la force primordiale qui est à l'origine de tous les mouvements: l'esprit, le
Père.
Hé représente le principe féminin qui
absorbe, conserve, protège et permet au principe créateur de travailler en
elle: l’âme, la Mère. Vav représente le Fils qui naît de l'union du Père et de
la Mère. Il est le premier enfant de cette union et il se manifeste aussi comme
principe actif, mais à un autre niveau. Le Fils, c'est l'intellect, qui marche
d'après la ligne du Iod, et d'ailleurs graphiquement le Vav est un prolongement
du Iod. Le deuxième Hé représente la Fille. La Fille est la répétition de la
Mère, c'est le cœur. Les quatre lettres du nom de Dieu représentent donc le Père: l'esprit; la
Mère: l'âme; le Fils: l'intellect, et la Fille: le cœur.
Dans l'Arbre de la Vie, ces quatre
principes correspondent aux premières séphiroth: Kéther est le Père, Hohmah le
Fils, Binah la Fille. « Et la Mère? » direz-vous. La Mère correspond à la
séphira Daath. C'est Elle, la Mère Divine que les kabbalistes ont aussi
mentionnée sous le nom de Shékinah. La Shékinah est l'épouse de Dieu... Oui,
Dieu a une épouse, que les chrétiens me pardonnent et ne soient pas offusqués!
Moi aussi, je suis chrétien, mais ce n'est pas une raison pour ne pas réfléchir
et essayer de comprendre la réalité des choses.
Mon intention - et celle des kabbalistes
- n'est pas de donner une épouse à Dieu dans le sens où sur la terre un homme
épouse une femme. Mais dans la mesure où la famille est une réalité en bas,
elle est aussi une réalité en haut; seulement cette réalité se manifeste
différemment: il s'agit d'une analogie et non d'une identité. Dans la Table
d'Emeraude, Hermès Trismégiste dit: « Tout ce qui est en bas est « comme » ce
qui est en haut, et tout ce qui est en haut est « comme » ce qui est en bas. »
Il s'agit donc bien d'une analogie, d'une ressemblance.
Les chrétiens répètent: Père, Fils et
Saint- Esprit, sans s'étonner que, dans cette Trinité, aucun principe féminin
ne soit mentionné. Pourtant, on ne peut pas ne pas se poser de question. Quand
on entend énumérer: Père, Fils... qui sont des termes évoquant la famille,
comment ne pas être surpris que le troisième membre de cette famille soit le
Saint-Esprit? Et qu’est-ce qu'une famille où il manque la mère? Dans cette
famille-là, elle est absente: a-t-elle été remplacée par le Saint-Esprit, et
pourquoi? Ah ça, il faudrait demander aux Pères de l’Eglise pourquoi ils ont
jugé bon de faire du Seigneur un célibataire endurci! Les trois entités de
cette Trinité: Père, Fils et Saint-Esprit sont masculines et il est anormal
qu'il n'y ait aucune place pour le principe féminin. Car, comprenez-moi bien,
c'est de principes qu'il s'agit.
Oui, c'est parce qu'ils ont éliminé la
Mère Divine en tant que principe cosmique que les théologiens chrétiens ont
donné ensuite une telle place à Marie, bien qu'il faille peut-être voir, dans
les Vierges noires que l'on trouve dans certaines églises, une trace de cette
Mère cosmique.
Ils lui ont donné une trop grande place,
justement, en lui attribuant des vertus et des pouvoirs qu'une femme ne peut
posséder. Elle a été déclarée « Immaculée Conception », c'est-à-dire « conçue
sans péché », donc préservée du péché originel, et elle-même aurait « conçu
Jésus par l'opération du Saint-Esprit ». Je ne suis pas contre; si cela fait du
bien à certains d'avoir une telle image de la mère de Jésus, mon Dieu, qu'ils
continuent!
Seulement je suis obligé de constater
que cela contredit toutes les lois de la nature établies par l'intelligence
cosmique. Quels que soient la grandeur, l'élévation et le caractère divin d'un
homme, physiquement, il ne peut pas avoir été conçu du Saint-Esprit.
Comment peut-on confondre Marie et la
Mère Divine? J'estime Marie, je l'apprécie, je ne veux pas la diminuer, mais
pour aussi sainte qu'elle soit, on ne peut tout de même pas faire d'elle la
Mère Divine! Les chrétiens n'ont rien compris de l'immensité de ce principe
cosmique, qui est la part féminine du principe créateur. L'être que l'on
appelle Dieu et que le christianisme représente comme une puissance masculine
est en réalité masculin et féminin. Pour qu'il y ait création, manifestation,
il faut qu'il y ait polarisation, c'est-à-dire présence d'un principe masculin
et d'un principe féminin. Pour se manifester, Dieu doit être à la fois masculin
et féminin. C'est ce que l'on enseignait aussi dans les Initiations orphiques:
Dieu est mâle et femelle.
Pourquoi les Pères de l'Eglise ont-ils
supprimé la Mère Divine? Etaient-ils tellement puritains que l'idée d'une
épouse de Dieu les offusquait? La véritable raison en est sans doute qu'ayant
absolument identifié Jésus au Christ, au point de prétendre qu'il est
réellement le fils unique de Dieu descendu s'incarner sur la terre, il fallait
évidemment lui donner une mère qui n'avait presque plus rien d'humain. Ils ont
donc identifié Marie à la Mère Divine comme ils avaient identifié Jésus au
Christ. Là encore, je veux bien, mais est-ce la vérité? Marie a été une femme,
elle n'est pas la Mère Divine qui a formé tous les mondes. Marie n'est pas la
Mère de Dieu, elle a été la mère de Jésus, et Jésus n’est pas un principe
cosmique, Jésus a été un homme, un des plus grands parmi les fils de Dieu qui
sont descendus sur la terre, mais c'était un homme, et le Christ est le
principe cosmique qui est venu habiter en lui. Pourquoi tout confondre? Et
Marie était, bien sûr, une femme exceptionnelle, puisque le Ciel l'a choisie
pour être la mère d'un tel être, mais on ne peut pas lui donner la place de la
Mère Divine.
Les quatre lettres du nom de Dieu Iod Hé
Vav Hé représentent donc les quatre principes qui sont à la base de la
création: le Père Céleste et la Mère Divine qui se prolongent dans le Fils et
la Fille. Sur l'Arbre séphirotique ce sont donc Kéther. le Père, Daath: la
Mère, Hohmah, le Fils, le Verbe, et Binah, la Fille, la Nature.
Vous direz: « Mais alors, il faut
rejeter la Trinité PèreFils-Saint-Esprit? » Non, mais il faut comprendre à quoi
correspondent ces trois principes. Le christianisme définit la Sainte Trinité
comme le mystère d'un seul Dieu en trois personnes. Non, la Sainte Trinité
n'est pas un mystère, ou plutôt ce n'est un mystère que parce qu'on n’a pas su
se servir de la loi de l’analogie. Pour comprendre, il faut faire appel au
soleil.
Le soleil est cette formidable puissance
créatrice de vie qui se manifeste par la lumière et par la chaleur. Celui qui
est capable d'approfondir ces manifestations découvrira les relations qui
existent entre la vie, la lumière et la chaleur du soleil et la Sainte Trinité:
Père Fils-Saint-Esprit.
A tous les niveaux de la création, du
plan physique au plan divin, on retrouve ces trois principes: la vie, la
lumière, la chaleur. Dans le plan spirituel, la vie se manifeste comme sagesse
(lumière) et comme amour (chaleur), et ce sont ces trois principes: vie,
sagesse et amour que l'on retrouve dans la Sainte Trinité: le Père, le Fils et
le Saint-Esprit qui sont indissociables les uns des autres comme sont
indissociables la vie, la lumière et la chaleur du soleil. Vous voyez, le
mystère d'un seul Dieu en trois personnes n'est pas si difficile à élucider. Ce
qui reste mystérieux, c'est seulement l'immensité, la splendeur de cette
essence primordiale d'où sont issues toutes les existences et sur laquelle nous
n'aurons jamais fini de méditer.
Dans l'Arbre séphirotique, la Sainte
Trinité est donc représentée par les trois séphiroth Kéther, Hohmah et Binah.
Quand nous prononçons le mot « Dieu », nous devons savoir qu'en réalité nous
touchons ces trois premières séphiroth. « Mais alors, direz-vous, quelles sont
leurs relations avec le Père, le Fils et le Saint Esprit ? Est-ce qu'on peut les mettre en
correspondance?» Oui, mais à condition de savoir manier les correspondances
intelligemment, délicatement.
Kéther, la Couronne, représente le Père,
la Source de la vie; cela est clair, cette correspondance ne présente aucune
difficulté. Hohmah, la Sagesse, la deuxième séphira, issue du Père, peut être
considérée comme le Fils, le Verbe proféré par le Père, la lumière qu'il a
projetée de Lui-même pour créer.
Binah, la troisième séphira, correspond
au Saint Esprit qui est donc considéré là comme une puissance féminine.
Beaucoup vont s'indigner: « Comment? Le Saint-Esprit est une femme? » Je n'ai
pas parlé d'une femme, j'ai parlé d'une puissance féminine, d'un principe
féminin. Et puis, pourquoi être choqué? Etes- vous choqués qu'on ait représenté
le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe? Or, qu'est-ce qu'une colombe sinon
un oiseau de genre féminin. Et le
Saint-Esprit, que le Nouveau Testament appelle le Paraclet, c'est-à-dire
en grec celui qui aide, qui protège, qui console, est une expression de
l'amour, de la chaleur. Alors, il faut aller plus loin dans sa compréhension!
Maintenant, comme je vous l'ai déjà expliqué, ces correspondances n'ont rien
d'absolu et on peut aussi considérer que le Fils représente l'amour, puisque
c'est lui qui s'offre éternellement en sacrifice pour la conservation du monde;
et le Saint-Esprit peut représenter la sagesse, puisque c'est lui qui est
descendu sur les apôtres sous la forme de langues de feu et leur a donné la
faculté de prophétiser et de parler en langues.
Et c'est aussi du Saint-Esprit que
parlait Jésus, quand il dit à ses disciples, au moment de les quitter: « J'ai
encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter
maintenant. Quand le Consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous
conduira dans toute la vérité. » Le seul point irréfutable, c'est que Kéther
représente le Père, la vie, avec ses deux manifestations, la chaleur et la
lumière qui peuvent se transformer l'une dans l'autre, comme c'est aussi le cas
dans le plan physique.
Si vous acceptez de poursuivre votre
effort et de venir avec moi encore plus loin, j'ajouterai ceci: d'après une
tradition kabbalistique, Hohmah, la Sagesse, est un principe féminin assimilé à
l'épouse de Dieu, la Shékinah, et elle représente donc la Mère. « Alors,
direzvous, où est le Fils maintenant? » Le Fils est uni à la Mère, ils sont
inséparables l'un de l'autre. Comment parler d’une mère sans penser à son fils,
et comment parler d'un fils sans penser à sa mère? On trouve une représentation
de cette idée dans les tableaux de la Vierge à l'Enfant. Combien de peintres
ont représenté Marie tenant Jésus dans ses bras ou sur ses genoux!
L'Enfant est au centre, et suivant la
manière dont vous regardez le tableau vous pouvez ne voir que lui ou bien
saisir l'ensemble: l'enfant et la mère. Mais même si vous ne fixez votre regard
que sur l'enfant, sa mère est là. Quand on adopte ces correspondances: Kéther
le Père, Hohmah la Mère et le Fils, on retrouve la Fille dans Binah, et toute
la famille est reconstituée. Vous direz
que c'est à n'y plus rien comprendre... Au contraire, rien n'est plus clair ni
plus précis, et c'est cela la Kabbale vivante.
Seulement, on ne peut pénétrer dans ce
domaine qu'avec une pensée libre, dégagée. C'est à cette seule condition qu'on
aura toujours de nouvelles richesses à découvrir ou à approfondir.
Il est très important de comprendre le
sens de la Trinité tel que la Kabbale peut l'éclaircir à nos yeux. Mais plus
important encore est d'apprendre à communier chaque jour avec cette Trinité à
travers la vie, la lumière et la chaleur du soleil. C'est une loi que je ne
cesserai jamais de répéter, car elle est une base essentielle de la vie
spirituelle: tout ce qui existe en bas dans notre monde physique est à l'image
de ce qui existe en haut dans le monde divin. La Sainte Trinité n'est ni dans
la lumière, ni dans la chaleur, ni dans la vie du soleil, elle est bien
au-delà; mais à travers cette lumière, cette chaleur et cette vie, nous pouvons
nous approcher d'elle, communier avec elle et la faire pénétrer en nous pour
recevoir toutes ses bénédictions.
Omraam
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