Il y avait autrefois un roi qui, se promenant
un jour dans une forêt avec sa suite, vit une vache tachetée si belle qu'il
voulut la posséder. Il chargea un soldat d'aller s'en emparer, mais le
propriétaire de l'animal, un mage savant et puissant, lui interdit d'y toucher.
Le soldat effrayé s'en revint vers le roi et
raconta sa mésaventure: "Majesté, j'ai dit que c'était pour le roi, mais
il refusa de donner la vache et quand il leva la main, je sentis mon bras se
paralyser et je m'enfuis". Surpris et mécontent, le roi envoya tout un
groupe de soldats, pensant qu'à plusieurs ils réussiraient ce qu'un seul
n'avait pu faire, mais ils revinrent exactement de la même façon.
Le roi manda un bataillon, cela ne modifia pas
le résultat. Alors il réfléchit et prit une décision : s'il acquérait les
pouvoirs du mage, il pourrait ensuite prendre la vache tant désirée. Donc il
devait devenir le disciple du saint homme. Celui-ci accepta de l'instruire.
Il lui enseigna la respiration, lui montra des
exercices, et cet entraînement dura des années. Le roi se soumettait à tous les
efforts exigés, afin de posséder un jour la vache qu'il convoitait. Avec le
temps, il devint assez puissant pour vaincre la résistance du mage, mais, voici
que la vache lui paraissait un objet sans intérêt en regard de tout ce qu'il
avait approché grâce à l'enseignement de son Maître; il ne la désirait plus.
Lorsqu'on entretient chaque jour le contact
avec Dieu, nos appétits, nos passions, nos convoitises s'apaisent en nous et se
taisent. Ceux-là s'étonnent, qui, restés dans le monde matériel et animal,
voient que des êtres capables de se procurer tout ne font rien pour s'enrichir
ou obtenir le pouvoir. Pourtant cela se passe ainsi. Quand on a acquis les
pouvoirs, on ne désire plus la vache.
Quand on peut tout, on ne le fait pas. C'est
l'histoire du pauvre affamé arrêté devant le four d'où le boulanger retirait
les miches bien cuites; il lui demanda: "Monsieur le boulanger, tous ces
pains vous appartiennent. Comment se fait-il que vous ne vous jetiez pas à les
manger?" Le boulanger regardait le pauvre homme sans comprendre, et de son
côté le pauvre ne pouvait imaginer la réserve du boulanger.
L'Initié sait que demain il aura ce qu'il
avait hier. Il ne craint pas de perdre sa richesse. Aussi laisse-t-il les
choses passer devant lui sans tenter de les saisir.
Les hommes sont avides, ils attrapent tout ce
qui se présente en pensant: "Demain cet oiseau, cet animal, cette femme ne
reviendra pas". Lorsqu'on a dans le coeur la certitude et l'assurance que
Dieu reste présent, qu’Il nous donne le nécessaire, l'appétit diminue. Il
augmente quand tout manque. Voyez mon exemple; je ne mangeais pas de fromage
quand il était abondant, et maintenant qu'on en manque, je me suis mis à en
vouloir. Lorsqu'il y a de l'eau en grande quantité, la boit-on ? Mais non, il y
en a trop, on se contente du nécessaire.
Voici donc l'essentiel: si vous êtes
quotidiennement en contact avec le Créateur, si vous vous appuyez constamment
sur sa bonté, sa grâce, sa providence, son amour, vous vivrez avec une telle
tranquillité et une telle confiance que vous n'éprouverez plus beaucoup de
désirs, même si vous êtes devenu un mage.
On dit: Ah! si j'étais un alchimiste,
j'entasserais une montagne d'or et j'achèterais le monde entier". Mais les
alchimistes restent là, un peu de poudre au creux de la main ou dans leur
poche, et ils se disent: "Je m'en servirai quand j'en aurai besoin".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire