Si nous mettons la clé personnalité-individualité dans
la serrure de la porte qui ouvre sur le monde politique, que de découvertes.
Chaque intervenant tient le discours de l’individualité ; le bien de tous,
le bonheur partagé, le travail libérateur, le pacifisme, les droits de l’homme,
les droits de l’enfance, la libération des peuples opprimés, l’aide aux plus
défavorisés… Mais la réalité, c’est que, le plus souvent, chacun cultive un
comportement inspiré par la personnalité : agissons d’abord dans notre seul
intérêt, faisons le jeu des groupes de pression les plus puissants et les plus
riches, bernons les ambitieux tout en les persuadant de notre soutien et de notre
aide, amadouons les subalternes pour accomplir nos basses besognes, armons-nous
à outrance et attaquons…
Ce décalage entre le discours et le comportement
est la ruse idéologique par excellence de la politique, qui maintient chaque
citoyen dans son impuissance, son incapacité à tout changement véritable.
"L’homme est un loup pour l’homme" –
d’après le mot de Hobbes, repris depuis avec tant de constance et de succès. Et
pourquoi ?
Parce que le plus souvent ses pensées, ses
sentiments et ses actes lui sont inspirés par sa nature inférieure. Tous les conflits
ont pour origine les passions exacerbées de personnalités égocentriques. Ainsi
peut-on entrevoir l’importance que pourrait prendre, dans chaque pays, une
éducation des citoyens à l’universalité. Tout homme d’Etat, tout dirigeant
politique – mais aussi tout individu chargé d’une responsabilité quelconque –
ne peut assez mesurer la nécessité d’élargir son champ de conscience à
l’échelle de l’humanité entière, afin que ses décisions prennent également en
compte l’intérêt des autres. Ainsi toutes ses tendances profondes,
harmonieuses, purifiées, maîtrisées par la puissance de sa nature supérieur
apporteront la cohésion et la paix à ceux dont il a la charge et qu’il doit
servir. Mais dirigeant ou non, tout être humain doit dans sa sphère intime
entreprendre ce travail, et personne ne peut le faire à sa place, puisque son
monde intérieur lui est propre et que c’est là, en premier lieu, qu’il doit
conquérir le pouvoir suprême.
Cette idée que nous devons nous hisser jusqu’à ce sommet de notre être,
la nature supérieure, pour préserver l’intégrité des individus et de la
collectivité, éclaire aussi singulièrement le champ pédagogique.
Certains anthropologues affirment que la cohésion
des sociétés primitives et traditionnelles résidait dans les rites initiatiques
de passage qui permettaient à l’enfant d’entrer dans la communauté des adultes.
Or, ces traditions sont perdues dans nos sociétés industrielles avancées. Ainsi,
le devenir adulte des adolescents ne se produit jamais sans crise aiguë, sans
révolte, sans actes d’agression plus ou moins violents contre la société et parfois
contre eux-mêmes. Il ne s’agit évidemment pas d’introduire de telles traditions
dans nos sociétés sous prétexte de leur donner une structure. Ces rites de
passage, véritable s cérémonies magique s qui subsistent encore dans certains
pays africains, par exemple, s’accompagnent d’épreuves très dures (séparation
d’avec la famille, exposition aux dangers, scarifications) et sont totalement
étrangers à nos mentalités. Nos contemporains ont besoin d’intérioriser la
raison d’être des choses.
Mais l’essentiel doit subsister ; le sens
initiatique du passage. Or, le passage de l’enfance à l’âge adulte n’est rien
d’autre que le passage de la personnalité à l’individualité. Si le narcissisme
de l’enfant va de soi, puisqu’il est le point de départ de son développent, le
devenir adulte nécessite le dépassement de cet égocentrisme.
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