« Connais-toi toi-même… »
Cette formule qui était inscrite au fronton du temps de Delphes, combien
d’interprétations en ont été données ! Pour certains, elle signifie que
l’homme doit connaître ses propres limites et avoir la sagesse de ne pas se
mesurer aux dieux. Pour d’autres, c’est connaître son caractère avec ses
qualités, ses faiblesses… Cette connaissance, bien sûr, est nécessaire, mais
elle est insuffisante ; ce n’est pas véritablement cela, se connaître.
Croyez-vous que si cette formule n’avait pas un sens plus large et plus
profond, les Grecs l’auraient inscrite au fronton d’un de leurs sanctuaires les
plus sacrés ?
Chacun ne connaît de lui-même que
quelques aspirations, quelques tendances, bonnes ou mauvaises, et il dit ;
« Oh, je me connais… » Eh non, il ne se connaît pas, il ne sait ni
qui il est, ni ce dont il a besoin pour réaliser sa véritable nature. Et la
preuve qu’il ne sait pas qui est ce « toi-même », c’est qu’il le
confond le plus souvent avec le corps physique : il suffit de voir ce qui
préoccupe les humains et à quoi ils consacrent la plus grande partie de leur
temps et de leurs énergies : la nourriture, les vêtements, le confort, les
voitures et les plaisirs de toutes sortes. C’est la preuve qu’ils ne se
connaissent pas.
Se connaître, c’est arracher sa
conscience au cercle limité de sa nature inférieure, afin de se fondre dans la
conscience illimitée de l’Etre cosmique qui vit au-dedans de lui, qui travaille
en lui. Jusqu’au jour où il peut enfin dire : « Moi, c’est Lui ».
C'est-à-dire ; Lui seul existe, et moi je n’existe que pour autant que je
suis parvenu à m’identifier à Lui, à me fondre en Lui. En disant
« Connais-toi toi-même », les Initiés voulaient dire que l’homme doit
se fusionner avec l’autre partie de lui-même, ce Soi supérieur qui est en haut,
dans la région de l’esprit. A ce moment-là il entre dans un espace où il n’y a
plus de limite, où il n’y a plus de séparation entre le haut et le bas, et
toutes les puissances, les richesses que le vrai Moi possède, s’infusent dans le
petit moi. Le petit et le grand ne font plus qu’un en lui, et il a réalisé le
symbole du cercle, le serpent qui se mord la queue ; la queue (la nature
inférieure) a rejoint la tête (la nature supérieure). Le sens de l’initiation
est d’apprendre à réunir la tête et la queue du serpent. Tans que l’homme ne
s’est pas retrouvé, toutes ses forces se dispersent et la dispersion est une
perte. Mais dès que les deux pôles sont unis, des puissances formidables
s’accumulent dans le cercle, en son centre, rassemblées, condensées et
conservées pour le travail. Oui, la tête et la queue… La véritable connaissance
est le résultat de la jonction de la tête et de la queue.
Parce qu’ils pensent pouvoir arriver à
se connaître à travers d’autres qu’eux-mêmes, les humains ne cessent de se
chercher ; l’homme cherche toujours une femme et la femme un homme pour se
fusionner. Bien sûr, chacun arrivera ainsi à connaître quelque chose de
lui-même, mais très peu seulement, parce qu’à l’extérieur on ne se trouve pas
et les forces sont éparpillées, perdues. Dans cette rencontre avec l’autre, on
peut apprendre certaines choses et ressentir quelques joies, mais ces joies
sont passagères ; très vite on s’éloigne, on se sépare, et on se sépare
même tellement qu’on finit par s’affronter. On veut s’unir, mais rien à
faire ! C’est toujours deux personnes séparées, deux personnes différentes
qui vont faire ensemble beaucoup d’expériences ; des expériences
intéressantes, bien sûr, mais aussi décevantes, douloureuses ; l’existence
en donne chaque jour des exemples. Chacun n’arrivera à se trouver véritablement
que lorsqu’il cessera de se chercher au dehors à travers un autre être, pour se
chercher au-dedans et réaliser le symbole du serpent qui se mord la
queue ; il se produira alors une concentration de forces, la clarté se
fera et il vivra la vie éternelle.
Se connaître, c’est faire se rencontrer
en soi les deux extrémités du serpent, car ces deux extrémités sont polarisées.
Si vous êtes un homme, vous représentez l’esprit, et l’autre extrémité de
vous-même est le principe féminin, la matière. Inversement, si vous êtes une
femme, vous représentez la matière et l’autre extrémité est le principe
masculin, l’esprit. C’est pourquoi la jonction des deux principes en vous
produit la plénitude. Si vous allez chercher à l’extérieur, vous n’êtes jamais
sur de rencontrer l’entité qui vous est véritablement complémentaire. Si vous
êtes un homme, c’est une femme qui vous paraît être l’autre pole, et si vous
êtes une femme, c’est un homme. Mais cette complémentarité n’est pas parfait,
c’est pourquoi tant de rencontres finissent souvent en affrontements. Des
rencontres idéales ont lieu parfois, mais elles sont extrêmement rares. Tandis
que l’autre partie, à l’intérieur de vous, vous est absolument complémentaire,
et la fusion que vous réalisez avec elle est la seule véritable. Ce n’est qu’en
vous-même que vous pouvez réaliser idéalement la fusion du masculin et du
féminin, de l’esprit et de la matière, c’est à dire aussi du haut et du bas.
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