Le jour est le domaine du soleil et la
nuit celui de la lune ; le soleil règne sur ce qui est clair, précis, et
la lune, au contraire, règne sur le flou, l’indistinct, à la limite de deux
mondes. Au soleil est donc associée la connaissance objective, rationnelle, et
à la lune la sensibilité, l’imagination, les facultés médiumniques. La lune a
en réalité plusieurs aspects, mais pour faciliter les choses, nous n’en
retenons que deux ; un aspect inférieur qui se caractérise par les
illusions, les fantasmes, les aberrations, et un aspect supérieur qui est
l’imagination créatrice, la véritable inspiration.
Beaucoup d’artistes se plaisent dans la
région crépusculaire de la lune ; ils sont fiers d’apporter par leurs
créations des éléments qui échappent à notre perception ordinaire des
choses ; le rêve, l’étrange, le fantastique. Mais cette irruption dans
l’univers du vague et de l’obscure comporte des dangers et certains, qui n’étaient
pas bien armés, ont fini lamentablement : l’alcool, la drogue, la folie,
le suicide. Dans la mesure où ils vivent et travaillent dans un plan supérieur
au plan physique, on peut dire que les artistes sont des voyants, et c’est bien
sûr un progrès par rapport à ceux qui voient seulement ce qu’ils ont sous les
yeux. Mais ce n’est un vrai progrès qu’à la condition de ne pas stagne dans les
marécages de l’astral : ces régions-là ne doivent être que des lieux de
passage, il faut les traverser pour aller plus haut, là où la Lune, Iésod,
reçoit l’influence du Soleil, Tiphéreth.
Quand les garçons et les filles
possèdent des dons artistiques qu’ils souhaitent développer, on se contente de
les accueillir dan s des écoles, des académies, des conservatoires où on leur
donne sur l’art des notions et des règle surement formelles ; on ne les
instruit pas sur ces régions intérieures qu’ils iront explorer et d’où ils
ramèneront les éléments de leur inspiration. C’est pourquoi tellement de
créateurs sont inspirés par la région ténébreuse de la Lune ; Et même
s’ils prétendent faire découvrir aux humains des horizons nouveaux, en réalité
ils les influencent très mal. Ils ont des dons, des talents, c’est entendu,
mais cela ne suffit pas, car pour être véritablement créateur, il faut capter
des éléments solaires.
Parvenir à soulever un voile, à ôter un
voile, est le but de l’Initiation. C’est l’origine de l’expression
« soulever le voile d’Isis » transmise par la tradition. La déesse
Isis est, dans la religion Egyptienne, l’épouse du dieu Osiris. Dans cette
grande figure féminine, les Initiés ont vu un symbole de la Nature primordiale
de laquelle sont sortis tous les êtres et tous les éléments de la création.
Cette Nature impénétrable pour l’homme ordinaire, les Initiés en ont fait leur
principal objet d’étude ; parce qu’ils veulent la connaître, ils
s’appliquent à rechercher et à comprendre toutes les existences qu’elle
engendre et à travers lesquelles elle se manifeste, jusqu’à découvrir la
réalité ultime.
« Soulever le voile d’Isis »
est évidemment une image, et il se peut qu’elle soit très mal comprise par
certains ; tout de suite ils y verront quelque chose de trivial… une femme
à qui on ôte ses vêtements ; Mais les véritables Initiés laissent les
femmes tranquilles, car ce qu’ils cherchent est ailleurs. Leur ambition est
d’ôter le voile de la nature et ils ne peuvent y arriver que par la plus grande
pureté, la plus grande maîtrise ; Alors Isis se découvre à eux dans toute
sa splendeur. Pour un Initié, la véritable connaissance est une mise à nu. Mais
il est dommage que cette question de la nudité soit obscurcie par tous les
préjugés et les tabous dont elle fait l’objet depuis des siècles et qui
l’associent toujours à la sexualité. Certains ne peuvent pas lire ou entendre
le mot « nudité » sans qu’immédiatement leur imagination commence à
divaguer. Il est temps qu’ils aillent plus loin pour comprendre que la notion
de nudité peut être transposée sur d’autres plans que le plan physique.
Le voile d’Isis, c’est le mystère de la nature
vivante que nous n’avons pas encore réussi à pénétrer. Et par
« nature », il faut également comprendre l’être humain ; lui
aussi, comme la nature, est enveloppé de voiles, c’est pourquoi il épreuve tant
de difficultés pour parvenir à la connaissance véritable ; La véritable
connaissance exige que nous parvenions à nous élever jusqu’aux régions sublimes
de l’esprit. Quand nous cesserons de nous voiler et de voir les autres à
travers les verres déformants de nos corps opaques, nous pourrons enfin savoir
ce qu’est l’être humain dans les régions sublimes ; une immensité, une
lumière, une splendeur. Tous les hiérophantes du passé ont donné le même
enseignement, ils révélaient au disciple que l’être humain est à l’image de la
nature, voilé lui aussi ; enfoui sous les couches de matière habite un
esprit, une étincelle, un être indestructible, omniscient, tout-puissant. Dieu
lui-même. Celui qui par l’ascèse, la prière, le renoncement, sera capable
d’obéir aux exigences de l’esprit verra apparaître devant lui Isis dépouillées
de ses voiles.
En réalité, il y a encore beaucoup de
choses à dire sur la nudité, car ce mot peut être pris dans deux sens opposés.
Dire de quelqu’un qu’il est nu peut signifier qu’il est pauvre, misérable,
privé de toutes les qualités et vertus, justement ce qu’on appelle « le
dénuement ». Mais comme je viens de dire, cela peut signifier aussi qu’il
n’a plus ni enveloppes, ni carapaces, qu’il est parfait, libre, qu’il est dans
la vérité. Seuls les êtres divins sont ainsi nus ; mais pour traduire
cette nudité, on les présente souvent enveloppés de lumière ; c’est la
lumière de leur esprit qui a réussi à traverser la matière de leur corps au
point de devenir pour eux un vêtement. Mais il est très difficile de trouver
dans le vocabulaire des mots qui traduisent exactement les réalités de la vie
spirituelle, il faut avoir recours à des comparaisons, à des images, même si
parfois elles finissent par paraître contradictoires.
Ce vêtement est le symbole de l’aura.
L’aura est notre véritable vêtement. Pour le mériter, nous devons nous
débarrasser de tout ce qui nous rend pesant et nous obscurcit. On peut donc
dire que l’être humain n’est jamais nu : non seulement son corps physique
est un vêtement, mais aussi ses autres corps plus subtils. Pour parvenir à la
véritable nudité, il doit accomplir un travail intérieur gigantesque,
irréalisable presque : donner à l’esprit en lui un tel pouvoir qu’il
semble pulvériser le corps physique et le transformer en lumière, comme cela
s’est produit pour Jésus lorsqu’il fut transfiguré sur le Mont Thabor. Pourquoi
fait-on toujours mention de la lumière quand on veut décrire ces phénomènes de
la vie intérieure ? Parce que la lumière justement est à la frontière du
monde visible et du monde invisible, du matériel et du spirituel.
Seule la vérité est nue. Pour s’élever
jusqu’à cette nudité, il faut se libérer de tout ce qui en nous est trouble,
opaque, imperméable au monde divin. Lorsqu’on atteint cette nudité, on peut
aller très haut afin de recevoir des messages, des conseils, l’aide de Dieu.
Devant le Ciel, on doit faire son possible pour se présenter nu ; et plus
on se dépouille, plus on s’élève. Ensuite, quand on redescend, car on est
toujours obligé de redescendre –tant qu’on est sur la terre, il faut remplir
aussi les tâches de la terre – on rentre dans ses vêtements, c'est-à-dire on
reprend toutes ses activités, ses projets, ses relations avec la famille, les
amis, les voisins, les collègues de travail etc… Pour le monde, pour la
société, il est nécessaire d’être vêtu, mais pas pour le Ciel ; le ciel
n’aime que les êtres nus. Vous voyez quelle image magnifique les Initiés ont
donnée quand ils ont parlé de contempler Isis dévoilée !
Pour le moment, je ne vous en dirai pas
plus. C’est à vous de méditer sur ce que représente le voile d’Isis. Seul celui
qui s’est purifié peut écarter ce voile et connaître la réalité, car les
mystères d’Isis sont les mystères de Iésod.
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