"Quand tu pries, disait Jésus, entre
dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est là dans le lieu
secret ».
Cette chambre secrète n’est évidemment
pas un lieu physique avec quatre murs, mais un état de conscience. Quand vous
parvenez à créer en vous le silence et la paix, quand vous éprouvez le besoin
d’exprimer votre amour pour le Seigneur, vous êtes déjà dans cette chambre
secrète : pour le moment au moins, vous avez pu atteindre ces régions de
l’âme et de l’esprit que vous portez en vous de toute éternité, mais auxquelles
vous n’avez généralement pas accès dans la vie ordinaire et dont la majorité
des humains ne connaissent même pas l’existence. Car de même qu’ils ignorent ce
qui se passe dans leur subconscient, ils ignorent aussi ce qui se passe en haut
dans le ciel, leur ciel, leur esprit, leur conscience divine.
La chambre secrète, c’est donc cet état
de grande concentration, de paix, de silence, où tout le reste s’éteint, où il
n’existe plus rien que votre prière, votre parole intérieure qui parcourt
l’espace. A ce moment-là, même si vous n’en êtes pas tout à fait conscient, vous
êtes réellement dans votre chambre secrète. Cette chambre secrète est un
symbole magnifique et d’une grande profondeur qui était certainement connu bien
avant jésus. Tous les Initiés savent que, pour prier, il faut entrer
profondément en soi-même, parce qu’à l’extérieur notre voix n’a pas tellement
de portée ni de résonance. Supposez que vous soyez dans la rue, et là, soudain,
vous pensez que vous avez quelque chose à dire à un ami qui se trouve dans une
autre ville. Il est impossible de lui parler, à moins d’atteindre votre
téléphone et de composer le numéro et vous avez la communication. Si vous
restez dans la rue sans appareil, vous aurez beau parler, crier, votre ami ne
vous entendra pas. De la même façon pour être entendu par le Ciel, il faut
entrer dans cette chambre secrète dont parle Jésus, car elle aussi est bien
aménagée, avec des "appareils téléphoniques" qui permettent de
communiquer avec les mondes supérieurs.
Ce n’est pas dans le bruit que vous
pouvez faire ce travail, mais dans un lieu intérieur, secret, où vous devez
entrer en fermant la porte derrière vous. Fermer la porte, cela veut dire ne
pas laisser pénétrer n’importe quels sentiments ou pensée,s mais seulement des
sentiments inspirés par l’amour divin et des pensées inspirées par la sagesse
divine ; sinon il y aura des brouillages dans votre communication avec le
Ciel, et vous ne recevez aucune réponse. Ce n’est que dans la chambre secrète
que prier prend véritablement un sens : vous parlez et vous entendez, vous
adresser une demande au Ciel et vous recevez la réponse. Et si vous n’arrivez
pas à bien saisir ce que le Ciel vous dit, c’est que vous n’avez pas su
utiliser vos appareils ou que vous avez oublié de fermer la porte.
La chambre de la prière est donc un lieu
de silence et de secret, car les autres ne doivent pas s’apercevoir de ce que
vous dites, comment vous le dites et à qui vous vous adressez. Bien sûr,
quelquefois vous ne pouvez pas les empêcher de se rendre compte que vous priez.
Mais moins ils s’en rendent compte, mieux ça vaut. Dans les Evangiles Jésus
parle aussi de ce pharisien qui était monté au Temple et qui, debout, priait
avec ostentation !... Eh bien, c’est exactement le contraire de la chambre
secrète, qui est la chambre du silence, le silence du cœur. Mais ici le "coeur",
ce n’est plus ce principe psychique qui correspond au plan astral, le siège des
sentiments et des désirs inférieurs. La chambre secrète, c’est le cœur
spirituel, c’est à dire l’âme. Il y a tellement de "chambres" en
l’homme ! Et parmi toutes ces chambres, très peu de gens ont trouvé
justement celle qui aime le silence. La majorité se sont égarés dans d’autres
chambres, et c’est là qu’ils prient ; mais comme il ne s’y trouve pas
d’appareils appropriés, le Ciel n’entend pas leurs demandes.
Pour échapper aux sollicitations et aux
agressions du monde extérieur, certains êtres sont partis se retirer dans les
déserts ou les forêts. Ce sont les solitaires, les ermites, les anachorètes.
Parmi eux, il y en a qui sont allés encore plus loin et qui ont voulu couper
presque toute relation avec le monde extérieur, ne plus avoir recours aux cinq
sens, les mettre hors d’état de fonctionner. Pour cela ils ont creusé dans la
terre des trous juste assez grands pour s’y introduire et c’est là qu’ils se
sont réfugiés. Grâce au sommeil des cinq sens, ces êtres sont arrivés à créer
en eux le silence absolu ; n’ayant plus rien à voir, à entendre, à sentir,
à goûter ou à toucher, ils ont réussi à percer cette paroi opaque qui sépare
l’homme de la véritable réalité.
Quand j’étais en Inde, j’ai rencontré
quelques-uns de ces êtres très rares, qui ont fait de telles expériences. Et
même si je savais déjà beaucoup de choses avant de les rencontrer, ils m’ont
encore beaucoup appris sur la puissance du véritable silence qui est seul
capable de faire vibrer nos centres spirituels. Car le véritable silence n’est
pas uniquement absence de bruit. Le véritable silence est la source de toutes
les créations, il est l’expression de Dieu Lui-même. Il faut se lier à lui
souvent, se plonger en lui en s’efforçant même d’arrêter la pensée. Parce que
la pensée est un mouvement et que tout mouvement fait du bruit, aussi faible
soit-il, et trouble le silence. Dans ce silence une paix extraordinaire
s’installe en nous et il se peut même alors que Dieu nous parle.
Entrer dans le silence est donc une
activité qui se situe au-delà des cinq sens, au-delà du sentiment et même de la
pensée. Lorsqu’on atteint cette région du silence, on nage dans un océan de
lumière, on vit la vraie vie, intense, abondante. Cette expérience du silence,
certaines personnes l’ont faite parfois après de grands bouleversements, de
grandes souffrances, des pertes cruelles. Comme si le choc reçu les avait
projetées au-delà d’elles-mêmes, là où veille cette entité que la Science
initiatique a appelée justement "le Silencieux".
Mais la réalité c’est que, même s’ils
ont fait de telles expériences, la plupart des humains vivent le plus souvent à
la périphérie de leur être. Pour eux, la vie intérieure se limite aux domaines
du cœur et de l’intellect, c’est à dire aux plans astral et mental. Et là
évidement, ça bouge ! Les désirs, les sensations, les passions, les
chagrins, les projets, les calculs, il y a de quoi voir, entendre et s’occuper.
Mais profondément, toute cette ébullition ne change rien, l’homme ne se
transforme pas. Pour changer en profondeur, pour trouver quelque chose
d’essentiel, il ne doit pas rester là, il doit s’élever jusqu’aux plans causal,
bouddhique et atmique, la chambre du silence.
Certains diront : "Mais ce
silence dont vous nous parlez, ces mondes au-delà des pensées et des
sentiments, c’est le vide, vous nous demandez de nous jeter dans le
vide.. ; c’est effrayant !" D’une certaine façon, oui, on peut
appeler cela le vide, mais n’ayez pas peur, je n’ai jamais dit qu’il fallait
s’y jeter comme ça, sans être prêt. Pourquoi serais-je plus insensé ou plus
cruel qu’une mère oiseau ? Que fait une mère oiseau ? Elle garde ses
petits nouveaux nés tout le temps qu’il faut dans le nid ; puis quand elle
sent qu’ils sont prêts, que leurs ailes sont suffisamment développées, elle les
pousse hors du nid ; mais pas avant. Eh bien, moi non plus, je ne vous
pousse pas dans le vide avant que vous ne soyez prêts. Je vous présente
seulement à l’avance le travail à faire et les moyens de le faire, c’est tout.
D’ailleurs, je vous l’ai dit, le vide n’est pas un but en soi. Faire le vide,
c’est uniquement apprendre à se débarrasser de tous les éléments étrangers qui
nous empêchent d’entrer en contact avec le monde divin et de recevoir ses
bénédictions. Combien de gens sont comme des bouteilles pleines ! Pas
moyen de verser quoi que ce soit en eux, c’est plein, plein de désirs malsains,
de pensées erronées, de partis pris. C’est de tout cela qu’il faut se vider.
Donc, c’est vrai, faire le silence,
c’est en quelque sorte faire le vide en soi, et dans ce vide on reçoit la
plénitude. Oui, car en réalité le vide n’existe pas. Enlevez l’eau d’un
récipient, il y entre l’air ; enlevez l’air, il y entre l’éther… Quand on
essaie de faire le vide, la matière est chaque fois remplacée par une matière
plus subtile. De la même façon, quand on arrive à rejeter les pensées, les
sentiments et les désirs inférieurs, c’est la lumière de l’esprit qui fait
irruption ; à ce moment-là on voit, on sait.
Le silence est la région la plus élevée
de notre âme, et au moment où nous voyons autour de nous, et même ce que nous
ne voyons pas, est traversé et imprégné de lumière. Et le but du silence,
justement, c’est la fusion avec cette lumière qui est vivante et qui pénètre
toute la création ; quand vous êtes parvenu à vos fusionner avec la
lumière, vous possédez la quintessence dont vous pouvez remplir les paroles de
votre prière, et c’est alors que votre prière devient réellement puissante.
Il reste encore tellement
d’incompréhension dans la tête des gens concernant la prière ! Ils
s’imaginent que l’essentiel est dans les mots qu’ils prononcent. Eh non,
souvent les mots retombent à côté d’eux, sans effet. La bouche marmonne quelque
chose, mais en réalité l’homme ne prie pas car il n’ a pas réussi à capturer
cette quintessence qui doit remplir les mots qu’il prononce pour les rendre
vivants et agissants. La parole n’est en quelque sorte que la signature qui
permet le déclenchement des forces d’en haut. Et à ce sujet, j’ajouterai encore
quelque chose. Cette prière que vous faites dans le silence produit en vous une
accumulation d’énergie et il est souhaitable de donner une issue à ces
énergies. Ne pas le faire peut créer des troubles ; trop de forces accumulées,
trop de tensions, c’est comme un baril de poudre qui peut exploser sur place.
La parole, justement, en donnant à ces forces la possibilité d’agir, est un
moyen de les canaliser. Il faut toujours trouver une utilisation aux énergies
accumulées, et la parole peut le faire. Donc, après un moment de grande
ferveur, de communion intense avec le Ciel, vous pouvez prononcer à voix haute
quelques formules comme : "Que ta volonté soit faite sur la terre
comme au Ciel", ou "que le Royaume de Dieu et sa Justice se réalisent
sur la terre". Ainsi il ne manquera rien à votre prière.
"Quand tu prie, entre dans ta
chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est dans le lieu secret".
L’essentiel est évidemment d e comprendre la signification spirituelle de ces
paroles, mais cela n’interdit pas d’avoir réellement chez soi un endroit
spécial pour se recueillir. Si vous le pouvez, essayez d’avoir dans votre
appartement un lieu à part, réservé au silence ; même si ce n’est pas plus
grand qu’une cabine téléphonique, l’essentiel est que ce soit un lieu consacré
dont les vibrations, les fluides subtils que vous y avez déjà laissés, vous
permettent d’entrer plus facilement en contact avec la Divinité. Que cet
endroit soit plein de belles couleurs et décoré de quelques tableaux symboliques
ou mystiques. Consacrez-le au Père céleste, à la Mère divine, au Saint-esprit,
aux anges et aux archanges, n’y laissez entrer personne et n’y entrez vous-même
que si vous êtes capable de faire le silence afin d’entendre les voix du Ciel.
Nous vivons en même temps dans les deux
mondes : visible et invisible, matériel et spirituel, c’est pourquoi il
est bon d’avoir cette chambre du silence à la fois en soi et en dehors de soi,
et de la maintenir sous la protection des esprits lumineux. Au fur et à mesure
que vous préparez cette chambre du silence, soyez conscients que vous la
préparez aussi en vous, dans votre âme, dans votre cœur. Ainsi il arrivera un
jour où, quel que soit le lieu où vous vous trouverez, même au milieu des
tumultes, vous pourrez entrer dans cette chambre intérieur pour y goûter la
paix et la lumière.
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