Quand les mystiques disent qu’ils cherchent
Dieu, en réalité ce qu’ils appellent Dieu n’est pas une entité extérieure à eux
mais la partie complémentaire de leur être, vers laquelle ils tendent afin de
former une unité parfaite. Jusque là ils se sentent comme des êtres divisés,
mutilés. Ils cherchent à communier avec le Seigneur à travers leur Ego
supérieur, puisque c’est cet Ego supérieur qui est le reflet le plus pur de la
Divinité. Ils le font spontanément, intuitivement, mais c’est un processus
qu’on peut analyser, car il repose sur des bases psychiques réelles.
Il est dit que Dieu créa l’homme à son
image. Mais qui est Dieu ? Combien de philosophes, de théologiens, de
mystiques ont essayé de donner une réponse à cette question ? Aucun n’y a
vraiment réussi, parce que Dieu ne s’explique pas avec des mots, et c’est
seulement le jour où nous parviendrons à nous fusionner avec Lui que nous
pourrons savoir qui Il est.
Cette Entité que nous appelons Dieu est
à la fois masculine et féminine. Quand nous parlons de l’Esprit cosmique et de
l’Ame universelle, c’est de Dieu que nous parlons comme d’une unique entité
polarisée. De la même façon, l’être humain est homme et femme. Dans le plan
physique, bien sûr, il est soit l’un soit l’autre, mais dans le plan spirituel,
il est à la fois homme et femme, ou plus exactement il est masculin et
féminin : dans son âme il est féminin, et dans son esprit il est masculin.
Donc, dans le plan spirituel, l’être humain, comme Dieu, est androgyne.
Dans le dialogue intitulé LE BANQUET,
Platon rapporte le mythe de l’androgyne primitif. Dans des temps très anciens,
auraient vécu sur la terre des créatures humaines qui étaient à la fois mâle et
femelle ; elles étaient de forme sphérique et possédaient deux visages,
quatre bras, quatre jambes, deux organes génitaux ; celui de l’homme et
celui de la femme. Ces êtres possédaient une vigueur exceptionnelle et,
conscients de leur puissance, ils entreprirent de s’attaquer aux dieux pour
s’emparer de leur pouvoir. Très inquiets, ceux-ci cherchèrent un moyen de les
affaiblir, et c’est Zeus qui trouve la solution ; il n’y avait qu’à les
occuper en deux ! Ce qui fut fait. Et voilà pourquoi, depuis, l’homme et
la femme, ces deux moitiés séparées d’un même être ne cessent d’errer par le
monde à la recherche l’une de l’autre pour s’unir et retrouver ainsi leur
intégrité première.
Cette idée de l’androgyne primitif,
l’être parfait qui possède la double nature masculine et féminine, se retrouve
d’une façon ou d’une autre dans la plupart des grandes traditions religieuses
et philosophiques. Même le livre de la Genèse en porte la trace, puisque
certains kabbalistes ont interprété l’épisode où Dieu tire Eve d’une côte
d’Adam comme une mention de la séparation des sexes. Les alchimistes, eux
aussi, voient dans le monde minéral cette polarité du masculin et du féminin
qu’ils expriment par le symbole de Rébis, mot qui signifie ; chose
double : le Rébis est une figure en forme d’œuf (et l’œuf est un
symbole de la totalité) à l’intérieur de laquelle est représenté un corps à
deux têtes : une tête d’homme surmontée du soleil (principe masculin) et
une tête de femme surmontée de la lune (principe féminin). Toutes ces
traditions reprennent l’idée que la création est le résultat de la polarisation
de l’unité. Chaque créature n’est que la moitié d’une totalité, elle se sent
donc perpétuellement incomplète et ne peut vivre en repos jusqu’à ce qu’elle
ait trouvé sa partie complémentaire.
Toute l’aventure humaine n’est donc que
la recherche d’une moitié perdue. Partout on ne voit que des hommes et des femmes
en train de se chercher. Ils ne savent pas même pourquoi ils se cherchent, mais
ils se cherchent, c’est instinctif ; une voix leur dit que c’est ensemble
qu’ils retrouveront leur intégrité primordiale. De temps à autre, pour quelques
minutes, quelques secondes, ils goûtent quelque chose d’un bonheur
indescriptible, d’une dilatation mystérieuse, mais cela ne dure pas, et
fatalement arrivent les déceptions, les chagrins. Mais comme ils ne perdent
jamais espoir, ils continuent à chercher en changeant de sujet… ou
d’objet !
Pourquoi l’être humain n’arrive-t-il pas
à réaliser ses aspirations les plus profondes ? Parce que ce n’est pas
dans le plan physique que doit se faire d’abord cette union du masculin et du
féminin. Le plan physique ne doit être que l’aboutissement d’un travail qui a
été préalablement accompli dans les plans psychique et spirituel. Sinon, on ne
trouve, au mieux, que des plaisirs et des jouissances éphémères. Si certains,
très rares, sont parvenus à réaliser durablement cette unité en se fusionnant
dans le plan physique, c’est parce qu’ils avaient fait préalablement tout un
travail intérieur. Les deux principes, c’est chaque être humain qui doit
chercher à les unir d’abord en lui-même. Voila philosophie de l’androgyne, et
c’est la plus haute philosophie qui existe.
En vérité, même dans l’état de
mutilation où il se trouve, l’être humain possède physiquement les deux
principes. Oui, dans la bouche. La langue est un principe masculin, les deux
lèvres sont un principe féminin, et ils ont un enfant ; la parole. C’est
pourquoi la véritable puissance de l’être humain est dans la parole.
Regardez ; par sa seule parole, il peut obtenir autant de résultats que
par tout autre moyen matériel. Il peut construire et il peut détruire, il peut
rassembler et il peut séparer, il peut rétablir la paix ou déclencher la
guerre, il peut guérir ou rendre malade. Quand l’androgyne primitif s’est
divisé, on peut dire que symboliquement, la femme a gardé les lèvres, le
principe féminin, et l’homme la langue, le principe masculin. C’est pourquoi,
pour pouvoir retrouver maintenant leur puissance originelle, ils se cherchent
afin de s’unir. Oui, c’est là l’origine lointaine de cette impulsion qui fait
que les hommes et les femmes ne cessent de se chercher.
Même si on voit souvent cette recherche
prendre la forme du plaisir, de la distraction, son sens profond, c’est de
retrouver l’unité du Verbe, l’unité du principe créateur qui est mâle et
femelle. Dans la partie supérieure de leur corps, les hommes et les femmes ont
gardé ces deux principes ; dans la bouche, la langue et les deux lèvres
sont ensemble. Donc, même si un homme seul ou une femme seule ne peut pas créer
un enfant, par la parole chacun séparément est créateur grâce aux deux
principes qui sont contenus dans sa bouche. Notre corps nous apprend que c’est
seulement en bas, dans le plan physique qu’ils sont séparés :
physiquement, un être humain ne peut être qu’un homme ou qu’une femme, (les
hermaphrodites sont des cas extrêmement rares). Mais en haut, dans le plan
divin, les deux principes sont réunis comme ils sont réunis dans la bouche, et
c’est pourquoi en haut l’être humain est créateur, il est libre, il vit dans a
plénitude. Les difficultés viennent de ce qu’en descendant pour s’incarner, les
hommes et les femmes, tellement obnubilés par leur apparence extérieure,
oublient qu’en haut, dans le plan divin, ils sont les deux en un : par son
âme et son esprit chaque être est le reflet de l’androgyne divin, l’Ame et
l’Esprit cosmiques, le Père et la Mère célestes, ces deux Entités qui n’en font
en réalité qu’un et que nous appelons Dieu.
Mais encore une fois, quand je dis
« en haut », il faut comprendre que ce « haut » n’est pas
situé au loin dans l’espace, à des années-lumière. En haut, c’est aussi en
nous, la partie supérieure de nous-mêmes, notre âme et notre esprit. Il
n’existe évidemment aucune commune mesure entre l’âme et l’esprit de l’homme et
l’Ame et l’Esprit cosmique, mais dans leur essence ils sont identiques. C’est
pourquoi notre âme et notre esprit ont besoin de su fusionner avec ces Entités
divines ; l’Eternel masculin et l’Eternel féminin. Notre âme qui s’élève
rejoint l’Esprit cosmique, et notre esprit rejoint l’Ame universelle ;
c’est ainsi qu’il y a des échanges entre nos deux entité spirituelles et les
deux Entités divines : la part masculine de nous-mêmes s’unit à la part
féminine de Dieu, et la part féminine de nous-mêmes s’unit à la part masculine
de Dieu. Mais avant de parvenir à cette fusion, que de travail…. !
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