Ce ne sont pas les conclusions que
l’intellect peut tirer de l’observation du plan physique qui nous permettront
de connaître la vérité. La vérité est aussi à l’intérieur de nous, de même que
dans ces effluves impalpables, mystérieux, qui s’échappent des êtres et des
choses et qui circulent, se propagent. Tant que nous ne parviendrons pas à
percevoir cette réalité, à la présenter, à la décrie, nous ne connaîtrons
jamais la vérité sur la vie. Certains diront : « Mais si nous nous en
tenons à ce que nous pouvons observer et aux conclusions que notre intellect
peut en tirer, c’est parce que le savoir repose sur l’objectivité ». Un
certain savoir, oui. Mais en opposant systématiquement objectivité et
subjectivité, ils opposent le monde extérieur au monde intérieur, comme si l’un
devait automatiquement exclure l’autre.
Je vous ai souvent donné cette
image : une sphère avec un homme qui se trouverait à l’extérieur et un
autre à l’intérieur. Si l’on demande à chacun de se prononcer sur la forme de
la sphère, évidemment celui qui est au-dehors affirme qu’elle est convexe et
celui qui est au-dedans soutient qu’elle est concave.
Interprétons cette image : celui
qui est à l’extérieur, c’est l’intellect qui s’attache à étudier le monde
objectif. Celui qui est à l’intérieur, c’est le cœur qui donne la prépondérance
au monde subjectif. Alors, qui est dans le vrai ? Tous les deux, à
cinquante pour cent chacun ; mais comme aucun ne veut faire l’effort de
comprendre le point de vue de l’autre, ils ne cessent de s’affronter. Il faut
donc qu’un troisième principe intervienne et leur explique que l’un comme
l’autre sont placés dans une situation où ils ne peuvent connaître que la
moitié de la réalité ; car pour connaître toute la réalité, il faut se
placer à la fois à l’extérieur et à l’intérieur, être à la fois objectif et
subjectif.
Vous direz : « mais quel est
ce principe capable d’envisager une pareille situation ? Il est impossible
d’être simultanément dehors et dedans ». C’est très difficile, oui, mais
ce n’est pas impossible ; cette faculté est donnée à l’intuition.
L’intuition, parce qu’elle est à la fois compréhension et sensation, pénètre la
réalité d’un seul regard. Elle est capable de réunir l’intellect et le cœur, la
pensée et le sentiment, la sagesse et l’amour, afin de connaître la vérité.
Et c’est là que la science initiatique
est tellement nécessaire, car elle nous apprend qu’avant d parvenir aux régions
claires et lumineuses de l’intuition – le plan causal – le disciple doit
traverser les régions confuses des plans astral et mental où sont les illusions
et les égarements. Ces régions sont comme des zones de brouillard et de
poussière. Le brouillard est produit par l’humidité excessive du cœur ; l’émotivité,
la sensiblerie, l’avidité, les convoitises… quant à la poussière, elle est
produite par les démarches et les spéculations de l’intellect occupé à remuer
trop de choses hétéroclites ; la poussière, comme le brouillard, empêche
la vision claire, et seul celui qui parvient à traverser ces régions
incertaines finit par atteindre le sommet de la montagne spirituelle : le
plan causal.
Un enseignement initiatique ne vous
instruit pas seulement sur l’existence des différents mondes, il vous donne des
critères pour discerner la qualité de vos états de conscience, et il vous donne
aussi des méthodes, des moyens grâce auxquels vous pourrez traverser la zone de
perceptions illusoires pour atteindre la réalité. A force de travail,
d’exercices, le jour vient où le monde
psychique vous apparaît avec la même clarté, la même précision que le
plan physique. C’est alors que vous contemplez la vraie vie, vous avez une
vision complète des choses, et quand vous devez les expliquer ou les décrire,
vous les présentez exactement.
Donc, souligner le rôle nécessaire de la
subjectivité ne signifie pas qu’on abandonne pour autant la réalité objective.
Au contraire même, je sais comme vous que, trop souvent, la subjectivité est
synonyme de parti pris et d’illusions qui entraînent aux pires aberrations.
Chez un être qui n’a fait aucun travail sur lui-même pour maîtriser ses pensées
et ses sentiments, pour sortir du brouillard du corps astral et des poussières
du corps mental, le monde subjectif est une zone dangereuse où il se perd. Mais
pour celui qui, par un travail assidu, a su dépasser cette zone en lui-même, le
monde subjectif est, au contraire, celui de la clarté, de la certitude. Il faut
donc être très vigilant et prendre l’habitude d’examiner ses pensées et ses
sentiments afin de ne pas s’égarer.
La plupart des humains ne connaissent
rien des différents étages du monde psychique ; ils sont traversés par des
sentiments, des émotions, des pensées, des désirs qu’ils acceptent comme ils
viennent sans se poser tellement de questions ; ils n’imaginent pas qu’ils
correspondent, en fait, à des régions dont ils sont les habitants et les
messagers. A plus forte raison ne savent-ils pas qu’ils ont dans ce domaine
tout un travail à faire. Alors, les uns sont les victimes de leurs illusions et
les autres, pour être à l’abri s’accrochent au « monde objectif ».
Mais les pauvres malheureux ce n’est pas ainsi qu’ils arriveront à y voir
clair ! Non, car la réalité n’est pas là, dans le monde objectif. Ou
plutôt elle n’y est que pour autant que l’homme est capable d’y projeter
lui-même la lumière. S’il ne possède pas le faisceau lumineux de son monde
subjectif, il n’obtiendra aucun véritable éclaircissement sur le monde objectif
qui restera indéchiffrable pour lui.
Mais oui, il faut réfléchir : sans
la vie psychique, sans le monde subjectif des pensées et des sentiments, que
peut-il vous rester comme objectivité ? Rien. Même le monde objectif
n’existe plus pour vous. C’est grâce à votre vie subjective que la vie
objective a pour vous une existence. Supprimez-la, c’est comme si vous étiez
mort. Et pour les morts, il n’y a plus rien ni d’objectif ni de subjectif,
c’est fini. Seuls les vivants, grâce à leur vie subjective, peuvent dire qu’il
existe quelque chose qui s’appelle le monde objectif. Donc, celui qui s’abrite
exclusivement dans le monde objectif, s’éloigne de la lumière, s’éloigne de la
vie et il ne trouvera jamais la vérité.
Il ne nous est pas possible d’être tout
à fait objectifs, parce que le monde objectif reste toujours quelque chose d’extérieur
à nous. Si nous exigeons de quelqu’un qu’il soit absolument objectif, c’est
comme si nous lui demandions de ne pas être lui et c’est impossible ; on
ne peut pas ne pas être soi, donc on est toujours subjectif. Nous n’avons pas à
exiger des gens qu’ils soient objectifs, nous pouvons seulement leur demander
d’abandonner la subjectivité inférieure des plans astral et mental inférieur
pour parvenir à la subjectivité supérieure du plan causal. Maintenant, si vous
voulez rester accroché au monde objectif, vous êtes libre ; vous y
trouverez évidement une forme de vérité, mais limitée. Car au-delà de ce que
l’on voit et de ce que l’on entend, il se produit beaucoup d’autres phénomènes,
et pour les percevoir il est nécessaire de développer des oreilles, des yeux et
même un cerveau dans les plans supérieurs.
Il y a une vérité vivante, riche pour
celui qui est capable de sentir les choses au-delà des apparences, et une
vérité pauvre pour celui qui ne sent rien. Il a fermé en lui les portes et les
fenêtres de la vie, et sa vérité est à cette image ; fermée, barricadée.
La vérité ne peut être qu’une vérité à notre image ! Vous direz que
lorsqu’on parle de « la vérité », on se réfère à une réalité qui
existe indépendamment de nous. Oui, d’accord, mais pour être perçue, connue,
cette réalité passe nécessairement par notre subjectivité ; c’est nous qui
la travaillons et la façonnons en lui ajoutant ou en lui retranchant des
éléments qui nous sont propres. Il n’y a donc que des vérités subjectives.
Comment se fait-il, par exemple, que les
scientifiques ne se soient jamais entendus sur la question de l’existence de Dieu ? Oui, c’est
extraordinaire ; voilà des hommes qui ont la même formation, la même
intelligence, les mêmes données matérielles pour se prononcer ... Et ils
se prononcent différemment ! Dans la richesse, l’harmonie, l’organisation
merveilleuse de la matière, les uns sentent la présence d’un Créateur qu’ils
vénèrent, tandis que d’autres ne voient qu’une mécanique parfaitement agencée
qu’ils attribuent au hasard. Cela prouve bien que la réalité matérielle,
objective passe nécessairement par la subjectivité des individus, une
subjectivité inférieure ou une subjectivité supérieure.
Les scientifiques sont pourtant les
premiers à savoir combien les apparences sont trompeuses. L’expérience la plus
courant est celle que nous faisons avec le soleil et les étoiles qui paraissent
se lever et se coucher. On ne sait combien de gens encore aujourd’hui, sont
persuadés que c’est le soleil qui tourne autour de la terre, parce que c’est ce
qu’ils voient !
Pour trouver la vérité, il ne faut pas
rester attaché à ce qui se présente à nos yeux, mais se déplacer et changer de
point de vue, abandonner le point de vue de la matière, le monde des
apparences, pour accepter celui de l’esprit. Les apparences ont évidemment leur
raison d’être, mais il ne faut pas se laisser tromper par elles. Les apparences
sont là pour nous faire réfléchir comme un point de départ qui nous donne le
désir de nous élever, d’aller toujours plus loin dans la compréhension des
choses. Il faut donc travailler avec les apparences, sur les apparences, mais
sans se laisser engourdir par elles, car dans cet engourdissement c’est la mort
spirituelle qui nous attend.
Plus l’homme s’élève dans ce monde
subjectif qui est le monde spirituel, plus son regard s’éclaircit et plus il
découvre la nature réelle des choses. Ses corps astral et mental deviennent
d’une telle pureté, d’une telle transparence qu’en les traversant, la réalité
ne subit aucune déformation. Sa subjectivité et l’univers objectif se
confondent et à ce moment-là, il connaît la vérité.
La vérité, on ne peut la connaître qu’à
condition de se dépouiller de tous les éléments qui agissent en nous comme des
prismes déformants. C’est donc nos progrès intérieurs qui nous permettent de
découvrir peu à peu la vérité. Toute connaissance passe nécessairement par la
subjectivité de l’homme ; c’est sa subjectivité qui éclaire ou obscurcit
la réalité, et c’est aussi sa subjectivité qui l’entraîne vers la mort ou qui lui
apporte la vie.
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