La poésie apparaît généralement comme un
mode d’impressions floues, décousues, une succession d’images qui sont
peut-être très belles mais incohérentes, car on ne sait pas à quoi elles
correspondent. Les responsables de cette conception erronée de la poésie sont
les poètes eux-mêmes qui se réfugient dans les régions inférieures du plan
astral où ils se laissent séduire par les entités qui y vivent. Quant au
public, qui ne possède pas de critères et qui a également tendance à vivre dans
ces régions brumeuses de la conscience, il est émerveillé et s’enfonce à leur
suite dans ces régions.
Trop souvent aussi, le premier souci des
poètes est de déverser dans leurs œuvres leurs sentiments les plus négatifs,
leurs tristesses, leurs angoisses, leurs révoltes, leurs désespoirs… Mais
pourquoi un poète doit-il donner une telle nourriture au public ?
C’est comme s’il lui présentait –
excusez-moi – des excréments à manger. Et les gens qui ne sont pas éclairés, acceptent ça :
on dirait même qu’ils ont besoin de se régaler jour et nuit d’épluchures,
d’immondices. Oui, je sais, mes paroles vous choquent, car vous êtes encore
loin de comprendre ce que je veux dire ; mais peu à peu vous aurez de
meilleurs critères et vous cesserez d’admirer certaines œuvres, certains styles
qui, dans le plan psychique, ne vous donnent à votre insu que des coliques, des
migraines et des démangeaisons. Trop d’œuvres sont la projection d’états d’âme
désordonnés et maladifs.
Alors, qu’est-ce que la vraie
poésie ?... La vraie poésie, c’est le Verbe, le Verbe divin, avec tous ses
éléments merveilleusement liés entre eux par des correspondances secrètes. La
vraie poésie réveille en l’homme le souvenir de sa patrie céleste, elle fait
vibrer en lui les cordes les plus spirituelles, elle lui donne un élan pour
créer la nouvelle vie. C’est pourquoi, si un poème ne fait pas naître en vous
cette sorte d’émotion, s’il vous procure seulement quelques petites sensations
vagues, vous pouvez être sûr que ce n’est pas de la vraie poésie.
Moi aussi, quand j’étais très jeune,
j’aimais beaucoup la poésie et j’ai même écrit des vers et des récits mystiques
contenant des vérités spirituelles, des visions, des prophéties… Mais je me
suis vite arrêté quand je me suis rendu compte que cette poésie
m’affaiblissait : elle me rendait hypersensible et vulnérable en me
retenant dans le monde astral, lunaire. J’ai abandonné cette région et je suis
allé chercher la vraie poésie dans le soleil. Et maintenant, si certains
s’aperçoivent qu’il y a de la poésie dans les explications que je vous donne,
c’est parce que j’ai transposé cette poésie du soleil dans le domaine d e la
science et de la philosophie. La vraie poésie a son origine dans la nature, car
tout y est à la fois beau et scientifique. On a pris l’habitude de séparer la
science de la poésie, et c’est une erreur : dans la nature elles ne font
qu’un.
La poésie doit être fondée sur un savoir
supérieur, sur une connaissance divine, sinon elle est inutile et même nocive.
C’est pourquoi Platon, qui possédait le
véritable savoir initiatique, ne voulait pas de poète dans sa Cité idéale,
alors que les philosophes et les savants y étaient les bienvenus.
Pourquoi ? Parce que la poésie telle qu’elle est comprise d’ordinaire est
un monde d’illusions et de mensonges, un pâle reflet de la poésie véritable qui
est l’expression du monde de l’âme et de l’esprit. Moi, j’aime la poésie, et je la place même
au-dessus de la musique, de la peinture, de la sculpture et des autres arts,
parce que la poésie, c’est le Verbe, et le Verbe est à la fois musique,
couleur, forme, parfum… Bien sûr, la musique est très puissante, elle produit
un effet immédiat sur les auditeurs, mais son langage n’est pas aussi clair et
éducatif que celui de la poésie. La clarté du Verbe vient de la présence des
mots : à travers les mots, non seulement on voit des formes, des couleurs,
des dimensions, mais on entend une mélodie, un rythme, une intonation. Et
surtout, et c’est cela l’essentiel, on perçoit un sens.
La musique éveille le sentiment, elle
stimule la volonté, mais elle ne donne pas d’orientation claire. Vous pouvez
écouter de la musique pendant des années et des années et rester aussi ignorant
et indéterminé qu’avant. Tandis qu’en écoutant de la vraie poésie, non
seulement vous éprouvez des sensations, mais grâce aux mots vous pouvez
réfléchir et trouver une direction à votre vie. Et puis il y a aussi une
musique, des couleurs, des formes, une architecture… tous les arts sont
contenus dans la poésie. Pour beaucoup, c’est la musique qui surpasse tous les
arts, et c’est juste, si l’on considère qu’elle est un langage universel et
avec qu’elle intensité elle agit ; on est saisi, pris, captivé. Avec la
poésie on écoute, on comprend ; bien sûr, comme pour la musique on est en
même temps captivé, mais elle fait davantage appel à la pensée.
En réalité, la véritable poésie ne se
limite pas à la littérature, elle est liée à la vie. Le véritable poète est
celui qui est capable de vivre la beauté qu’il exprime dans ses vers, qui est
capable de vivre une vie poétique dans ses pensées, ses sentiments, ses actes.
C’est trop facile d’écrire des poèmes et de vivre à côté une vie totalement
antipoétique. Combien de poètes ne peuvent pas écrie sans boire, fumer, se
droguer et multiplier les aventures amoureuses ! Il paraît que pour
trouver l’inspiration ils ont besoin d’expériences, de sensations, afin de
"ne pas laisser tarir la source". Mais elle est tarie depuis
longtemps, leur source ! Alors voilà les poètes : exposés à tous les
vents, maladifs, faibles, sans volonté. Et après avoir vécu dans les passions,
les excès, les angoisses, combien finissent dans la folie ou la
déchéance !
J’ai connu beaucoup de poètes dans ma
vie, et j’ai pu les étudier. Je ne nie pas qu’ils aient souvent des dons,
beaucoup de sensibilité et même du génie, mais cela ne suffit pas. Pour créer
il faut aussi développer une force intérieure, et non comme beaucoup
l’imaginent se laisser entraîner par tous les courants qui passent. En voilà
une trouvaille ! Bien sûr, si on ne vit pas, si on ne fait pas
d’expériences, on ne peut pas créer ; mais pourquoi toujours chercher des
matériaux en bas, dans le subconscient, dans les régions inférieures de la
vie ?
Il faut faire des expériences, mais des
expériences célestes, les mêmes qu’ont faites tous les grands génies du passé.
C’est pourquoi ils créaient des chefs-d’œuvre. Dans l’avenir, à nouveau, les
poètes chanteront l’amour et la sagesse de Dieu, la beauté de l’univers et
l’avenir lumineux vers lequel s’avance chaque créature. Ils nourriront les
humains avec la rosée du ciel, avec l’ambroisie, et tous vivront dans la
poésie, car c’est cela l’essentiel : vivre dans la poésie. Pour le moment,
quand on observe les humains, même les plus cultivés, les plus lettrés, on voit
souvent qu’ils restent plongés dans la prose : ils sont ternes, froids,
figés, crispés on ne sent aucune chaleur, aucune lumière, aucune étincelle en
eux. Ils abandonnent la poésie aux poètes qui l’écrivent et dont, de temps en
temps, ils lisent quelques vers, mais la vie qu’ils mènent n’est pas
poétique ; c’est pourquoi ils ont si peu de plaisir à se rencontrer. Il
faut qu’ils comprennent que l’art nouveau, l’art de l’avenir, c’est de rendre
l’existence poétique en devant chaleureux, lumineux, expressif, vivant. A ce moment-là,
quelle joie ils sentiront à se retrouver. Les humains sont
extraordinaires : ils cherchent les uns auprès des autres réconfort,
amitié, amour, lumière, mais ils restent amorphes, fermés, ternes… prosaïques,
quoi ! Ils ne savent pas comment vivre cette vie poétique grâce à laquelle
on les aimera. Alors, vous, exercez-vous chaque jour à donner votre lumière et
votre chaleur.
Oui, c’est un exercice à faire pour
sortir un peu de soi-même, de cet état de stagnation tellement prosaïque. C’est
si agréable de rencontrer un poète, une créature dans laquelle on sent que tout
est vivant, animé, éclairé. Quand j’aperçois une telle créature, tout mon être
se dilate, je ne peux pas cacher ma joie, tellement c’est contagieux de voir un
visage qui vous fait, comme ça, toutes sortes de signaux lumineux.
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