« Nul ne peut servir deux
maîtres »… Donc, c’est clair, nous devons nous mettre au service de
l’individualité, c’est elle qu’il faut nourrir en réduisant le temps et les
énergies que nous avions l’habitude de consacrer à la personnalité. Mais il ne
faut pas non plus négliger complètement la personnalité. D’ailleurs vous l’avez
vu, Jésus n’a pas dit qu’il ne faut plus rien lui donner, il faut seulement
réduire les rations. On ne doit pas la laisser mourir de faim, car elle est
extrêmement utile, indispensable même. Oui, comme servante. Est-ce qu’on laisse
une servante sans nourriture et sans logement ? Non, mais on ne lui permet
pas de diriger la maison.
Seulement voilà, avec la personnalité
vous avez affaire à une servante d’une espèce très particulière :
tellement habile, rusée, têtue ! Elle n’a pas d’autre désir que d’être
maîtresse chez vous et elle sait si bien s’y prendre pour vous dominer !
Comment ? En vous racontant des histoires. Vous avez observé dans la vie
comment agissent les gens qui veulent dominer les autres. Ils leur racontent ce
qu’ils ont envie d’entendre ; ils leur promettent que tous leurs désirs
seront satisfaits, ils approuvent leur conduite à laquelle ils trouvent toujours
des justifications. Eh bien, c’est exactement ces méthodes-là qu’utilise la
personnalité pour mettre les humains dans sa poche. Oui, là où elle est
vraiment imbattable, c’est dans l’art de trouver des arguments pour justifier
tous leurs mauvais penchants ; ils se mettent colère ? Mais c’est
très bien, il faut élever la voix pour défendre une juste cause… Ils sont
toujours en train de critiquer les décisions et l’attitude des autres ?
Ils ont raison, car ils voient mieux qu’eux la réalité de la situation… Ils ne
sont jamais contents de rien ? Cela prouve qu’ils aiment la perfection…
Ils envient les avantages matériels de tel ou tel ? Ce n’est pas de
l’envie, mais un jugement objectif, car ces personnes ont des privilèges
qu’elles ne méritent pas… Ils boivent, ils se droguent ? C’est pour
trouver l’inspiration ou parce que les autres leur ont rendu la vie
insupportable ... Et toutes les bonnes raisons qu’ils s’inventent pour
fuir leurs responsabilités, pour tromper
ou quitter leur mari ou leu femme, pour exploiter les gens, les rejeter,
les massacrer !... Eh oui, les ruses de la personnalité, c’est
extraordinaire : Quand on connaît ses manigances, on ne peut plus se
tromper, mais encore faut-il se donner la peine de l’observer et d’analyser ses
méthodes.
Méfions-nous de la personnalité. Elle
nous fait croire qu’en écoutant ses raisonnements, en suivant ses conseils,
nous serons heureux ; et c’est vrai, nous aurons bien d’abord quelques
petites satisfactions, mais peu de temps après, la planche se retirera et nous
serons par terre. La personnalité est un as pour faire des numéros et nous
embarquer dans sa voiture. Car elle est très érudite, si érudite qu’elle peut
faire descendre les étoiles pour nous persuader avec des arguments formidables
que nous pouvons nous abandonner à tous nos mauvais penchants. Et elle nous
convaincra parce qu’il y a des savants et des artistes dans la
personnalité ; elle n’est pas seule, elle représente tout un monde. Elle
peut même aller très loin dans le charme et la séduction. Elle sait chanter,
danser, écrie des vers, regarder avec amour. Mais son but est de nous asservir
et de nous manger. Pourquoi est-elle si attrayante ?
Pour mieux nous avoir ; ou, nous ne
le avons pas ? C’est comme le diable qui est une des expressions :
lui aussi présente toutes sortes de séductions ; s’il faisait peur, il ne
tenterait personne. Bien sûr, il y aussi une poésie, une musique, de la danse
et des parfums dans l’individualité, mais là c’est différent, ce n’est pas pour
nous ligoter et nous asservir, mais pour nous libérer, nous embellir, nous
ressusciter.
La personnalité ne reste jamais au
repos, quand on voit comment tout est fait dans l’existence pour attiser ses
convoitises … Partout maintenant nous trouverons des prospectus, des
publicités : « prenez ceci, goûtez cela ;.. » Et ce ne sont
que des appareils ou des produits destinés à améliorer le confort de la maison,
de la voiture, à rendre la vie matérielle plus facile, le corps physique plus
séduisant. Et regardons aussi les romans, les films, les pièces de théâtre et
tous les spectacles en général ; la plupart de toute cette abondance
d’objets et de distractions qu’on propose, n’en sont pas plus heureux ceux qui
les utilisent, ils deviennent même insupportables, et c’est normal, puisqu’on
ne nourrit que leur nature inférieure.
Cependant, que ce soit bien clair, ne
pas nourrir exclusivement la personnalité ne signifie pas qu’il faille
l’anéantir. Elle fait partie de nous, et nous devons vivre avec elle. Sans
elle, nous ne pourrions rien faire sur la terre, car elle est le réservoir de
toutes nos possibilités. C’est elle qui possède les richesses souterraines, les
matériaux bruts, c’est à dire les instincts, les appétits, tout ce qui permet à
l’homme de s’accrocher à la terre, c’est elle qui garde, conserve et augmente
ses possessions. Il faut apprendre à être plus intelligent qu’elle, pour la
soumettre et pouvoir ainsi tirer parti de toutes ses richesses. Car ne nous
leurrons pas, si nous ne savons pas l’asservir, c’est elle qui nous absorbera,
il ne restera pas une miette de nous.
Même les saints, les Initiés, les grands
Maîtres, finissent pas se fatiguer parfois, ils sont obligés de lâcher prise et
la personnalité redresse la tête. Mais à la différence de la majorité des
humains, ils savent comment remédier. Puisque la nature inférieure possède un
arsenal inouï devant lequel l’homme est impuissant, il faut que, dans cette
lutte inégale, il cherche des alliés. C’est aussi ce que fait un pays en temps
de guerre ; il conclut des pactes avec des alliés. La seule solution, est
de nous lier au Seigneur, aux entités célestes, aux archanges, aux divinités et
de leur donner, à eux, la possibilité de faire la guerre. Et nous, à ce
moment-là, nous sommes des spectateurs, nous assistons au combat, nous regardons
comment le Ciel, c'est-à-dire la nature supérieur en nous, est en train de
remporter la victoire.
N’essayons donc pas d’anéantir notre
personnalité car non seulement nous n’y arriverons pas, mais c’est nous qui
serions anéanti. Lions-nous d’abord au Ciel, puis adressons-nous à la
personnalité avec la conviction absolue que nous sommes vraiment le
Maître ; elle sera obligée d’obéir.
La personnalité est un cheval sauvage
que seuls les véritables audacieux peuvent dompter. Mais très peu de gens sont
capables d’une véritable audace. Pour nuire aux autres, les tromper, les
blesser, les massacrer, là oui, ils se lancent. Et pour se nuire à eux-mêmes,
là encore rien ne les arrête ; mais… c’est quand il s’agit d’asservir leur
nature inférieure qu’ils deviennent craintifs : ils n’osent pas.
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