Il est toujours étonnant de constater
que si peu de gens ont compris que la vie spirituelle est la vie de l’esprit.
Ils s’encombrent de toutes sortes d’éléments matériels qui les limitent et
limitent l’esprit. Pourquoi donner une telle importance à certains rites ou
cérémonies, à certaines postures, gestes ou paroles ? L’esprit est
au-dessus des formes ; puisque c’est lui qui les a créées, il ne dépend
pas des formes, et pour entrer en contact avec lui on n’a pas besoin de ces
formes. La vie spirituelle est le domaine de l’illimité et tant qu’on est
attaché à certaines formes, on se limite. Il peut se produire tellement
d’événements dans l’existence qui rendent impossibles les pratiques
spirituelles auxquelles on est habitué. Est-ce une raison pour ne plus avoir de
contact avec l’esprit ?
Lorsque la Samaritaine interroge Jésus
sur le lieu où il convient de rendre un culte à Dieu, la montagne de Samarie ou
le temple de Jérusalem, Jésus lui répond : "Femme, crois-moi, l’heure
vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le
Père. L’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront
le Père en esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père
demande. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en
esprit et en vérité". Jésus ne mentionne donc aucun lieu de culte, mais il
prononce deux mots abstraits parmi les plus inconcevables pour l’homme :
esprit et vérité. L’esprit s’oppose à la matière, et la vérité au mensonge, à
l’erreur, à l’apparence, à l’illusion. Donc, adorer Dieu "en esprit",
c’est abandonner les formes matérielles qui nous emprisonnent et nous empêchent
de nous mouvoir librement ; et "en vérité", c’est s’arracher aux
illusions.
Certains diront que "en esprit et
en vérité" qualifiait la religion que Jésus apportait, la religion
chrétienne, qu’il opposait ainsi à la religion de Moïse et aux religions
païennes qui abondaient alors en Palestine. Non, je ne pense pas, et d’ailleurs
le christianisme a conservé dans ses croyances, ses rites, ses monuments,
beaucoup de traces de la religion juive surtout, et même du paganisme. De plus,
avec le temps, ce sont toutes les religions qui ont tendance à se matérialiser,
à s’accrocher à des objets, à des pratiques extérieures. Donc, cet idéal énoncé
par Jésus : "en esprit et en vérité", concerne toutes les
religions. S’il revenait aujourd’hui, il prononcerait certainement à peu près
les mêmes paroles. Il dirait : "L’heure vient où ce ne sera ni à
Jérusalem, ni à Rome, ni à la Mecque, ni à Bénarès, etc., que vous adorerez
Dieu, mais en esprit et en vérité".
Jésus avait des conceptions
révolutionnaires, mais cela ne l’empêchait pas de respecter certains aspects de
l’ordre ancien et les préceptes donnés par Moïse. Il disait : "Ne
croyez pas que je sois venu pour abolir la Loi ou les Prophètes. Je suis venu
non pour abolir, mais pour accomplir. Car je vous le dis, en vérité, tant que
le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la Loi un seul
iota ou un seul trait de lettre jusqu’à ce que tout soit arrivé". Mais en
même temps, il voulait entraîner les humains plus loin dans la voie de la
véritable religion.
Un Maître spirituel a exactement les
mêmes préoccupations que n’importe quel instructeur, il doit faire progresser
les humains comme un professeur doit
faire progresser ses élèves. Il sait que beaucoup ne pourront pas le suivre
dans ses idées et ses projets, mais faut-il pour cela laisser stagner le petit
nombre de ceux qui désirent aller plus loin et qui en sont capables ?
Pourquoi se niveler sur les plus faibles, les plus bornés ? Il faut
toujours pousser les humains à aller de l’avant, mais en même temps se montrer
compréhensif et indulgent envers ceux qui ne peuvent pas encore tellement
progresser.
Jésus se demandait comment instruire la
foule, les gens simples qui venaient à lui, en même temps que les êtres
spirituellement plus avancés. C’est pourquoi il se servait de paraboles. Et un
jour où ses disciples lui demandaient : "Pourquoi leur parles-tu en
paraboles" ? il répondit : "Parce qu’il vous a été donné de
connaître les mystères du Royaume des Cieux et cela ne leur a pas été
donné". Pour la foule, Jésus a donc donné des images et des récits. A ses
disciples il a expliqué la correspondance de ces images et de ces récits dans
le domaine des vertus. Et parmi ses disciple s, il en a encore choisi un, saint
Jean, à qui il en a révélé le sens profond. On peut donc dire qu’à la foule il
a donné la forme, à ses disciples, le contenu, et à saint Jean il a révélé le
sens.
Et il en est ainsi depuis des
siècles : la foule s’arrête à la forme, les disciples travaillent sur le
contenu, et les Initiés trouvent le sens dont l’essentiel est résumé dans la
formule "en esprit et en vérité". Ces deux mots révèlent que, pour
Jésus, il existait aussi un côté ésotérique de la religion. Heureusement qu’ils
ont été conservés, car on ne peut rien lire de semblable ailleurs dans les
Evangiles. On se demande même par quel miracle ils s’y trouvent encore :
tellement d’autres passages ont été supprimés ou transformés !
Pour commencer à faire l’apprentissage
de la vie, un enfant a besoin qu’on lui raconte des histoires, qu’on lui montre
des images, des objets concrets. Dans le domaine de la religion, la plupart des
humains en sont encore restés au stade de l’enfance, ils ont besoin de choses
extérieures, concrètes, tangibles, auxquelles s’accrocher. Imaginez qu’on
annonce un jour aux croyants du monde entier : "Désormais, il n’y
aura plus de lieux de culte, plus de cérémonies, plus de clergé, plus de
statues ni d’images saintes, plus rien de matériel ni d’extérieur : vous
allez adorer Dieu en esprit et en vérité". Ce serait le vide pour eux, ils
se sentiraient perdus. Seul un être exceptionnellement évolué peut trouver dans
son esprit, dans son âme, le sanctuaire où il entrera pour s’adresser au
Seigneur, pour toucher, goûter et respirer les splendeurs du Ciel. Evidemment
un pareil élargissement de la conscience est souhaitable. Pour ceux qui sont capables
d’arriver jusque-là, il n’y a plus de limite, car le monde de l’âme et de
l’esprit est le plus beau, le plus vaste ; ils peuvent travailler jusqu’à
l’infini pour construire leur avenir de fils et de filles de Dieu.
En attendant, comme nous sommes sur la
terre, nous sommes obligés de donner à nos croyances des formes
matérielles : des lieux et des objets de culte, des fêtes religieuses à
certaines périodes de l’année, qui sont l’expression de ces croyances.
Mais justement, il faut comprendre
qu’elles n’en sont qu’une expression, elles ne sont pas la religion elle-même.
On ne peut pas faire entrer la Divinité dans une église, un temple, ne mosquée
ou une synagogue, ni dans un objet, pas même dans une hostie. C’est rabaisser
la Divinité que de prétendre le contraire. Oui, je ne veux pas offenser les
chrétiens, mais prétendre qu’il suffit d’avale rune hostie pour communier avec
le Christ, c’est je le reconnais une invention magnifique, mais c’est une
invention. Comment peut-on croire que le Christ, le Fils de Dieu, se laisse
emprisonner dans une hostie par des prêtres plus ou moins dignes ? Mais
pour qui le prend-on ? Et on appelle ça le mystère de l’Eucharistie !
Non, il n’y a là aucun mystère, mais seulement des réalités spirituelles qui
obéissent à des lois : c’est vrai que dans un objet on peut faire entrer
des fluides, des influences ... mais pas le Christ, pas Dieu !
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