Depuis
deux mille ans, la chrétienté cite les paroles que Jésus a prononcées sur la
croix : "Père, pardonne-leur car ils ne savent ce qu’ils font",
et tous ceux qui les commentent répètent qu’il faut pardonner comme Jésus a
pardonné. Quant à ceux qui écoutent ces conseils, ils essaient de pardonner à
ceux qui leur ont fait du mal, mais en vain, ils n’y arrivent pas.
Pourquoi ? Parce que Jésus connaissait une vérité et tant qu’on ne connaît
pas cette vérité, même si on veut prendre Jésus pour modèle, c’est impossible.
Il ne suffit pas de vouloir prendre Jésus pour modèle : tant qu’on n’est
pas capable d’établir un contact avec lui pour arriver à la connaissance et à
la compréhension de ce qu’il connaissait lui-même, il reste lointain,
inaccessible. Et combien pensent aussi : "Puisque Jésus était le fils
de Dieu, puisqu’il était le Christ, il avait le pouvoir de tout pardonner, ça
lui était facile, alors que nous, pauvres humains, nous ne pouvons pas" Eh
non, ils se trompent. Jésus a dû faire tout un travail pour s’élever jusque-là,
et nous, nous pouvons aussi commencer à faire ce travail.
Arrêtons-nous
maintenant sur la phrase de Jésus : "Père, pardonne leur, car ils ne
savent ce qu’ils font". Pourquoi n’a-t-on pas mieux analysé cette
phrase ?... "Père, pardonne-leur, car…" C’est Jésus qui demande,
qui explique au Seigneur qu’il faut pardonner et pourquoi : ils ne savent
pas ce qu’ils font. Comment comprendre cela ? Est-il possible d’apprendre
à Dieu quelque chose qu’il ignore ? Pourquoi faut-il lui dire :
"Car ils ne savent ce qu’ils font" ? N’est-il pas au
courant ? Est-ce qu’il ne sait pas que les hommes sont inconscients,
ignorants, bornés ? Fallait-il vraiment que Jésus éclaire le Père
céleste ?... Et pourquoi, au lieu de dire : "Je leur
pardonne", Jésus dit-il : "Père pardonne-leur" ?
Pourquoi est-ce Dieu qui devait pardonner ? Dieu n’avait rien à faire
là-dedans, ce n’était pas lui qui était en train de souffrir sur la croix.
En
réalité, tout le secret du pardon est dans cette formule. En disant :
"Père, pardonne-leur…", Jésus s’est élevé jusqu’à Dieu, il s’est lié
à lui et, par ce lien, il s’est placé très au-dessus de ses bourreaux. C’est
pourquoi il ne pouvait que les plaindre : leur conduite prouvait qu’ils
n’avaient pas de lumière, donc qu’ils étaient pauvres et misérables. Oui, car
être privé de lumière, c’est vraiment manquer de tout. A cette hauteur où Jésus
s’était placé, ses ennemis lui paraissaient si pitoyables qu’il ne pouvait même
pas les haïr pour les souffrances qu’ils lui faisaient endurer. Cette formule
est une méthode que Jésus a utilisée pour agir intérieurement sur lui-même.
Vous direz : "Mais non, Jésus savait que Dieu est terrible et
implacable, qu’il punirait ses ennemis, c’est pourquoi il l’a supplié de ne pas
les massacrer". Pas du tout, Jésus enseignait que Dieu est amour :
pourquoi allait-il tout d’un coup penser qu’il devait protéger les humains de
sa colère ? S’il avait pensé cela, c’est qu’il se mettait au-dessus du
Seigneur, qu’il se croyait plus grand plus généreux, plus miséricordieux que
lui, et ce n’est pas possible.
"Père,
pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font" est une formule que Jésus
a utilisée pour pouvoir vaincre et transformer la dernière goutte de rancune
qui pouvait rester en lui. Car Jésus n’était pas toujours tellement indulgent
et doux. Vous avez lu comment il s’adressait aux pharisiens et aux
sadducéens : il les traitait d’aveugles, d’hypocrites, d’insensés, de
sépulcres blanchis, de serpents, d’engeances de vipères, de fils du Diable… Il
y avait donc quelque chose en lui qui pouvait ne pas pardonner. Mais il voulait
pardonner. Puisqu’il avait dit : "Aimez vos ennemis", il ne
voulait pas garder à leur égard un atome d’hostilité, et c’est cette
prière : "Père pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font"
qui lui a donné le pouvoir de s’élever au-dessus de toute rancune.
Jésus
a employé là une formule purement psychologique, une formule magique. Par cette
formule, il s’est placé très haut, très haut et il a placé ses ennemis très
bas, afin de susciter dans son cœur une immense pitié pour eux. Quand on voit
combien les humains peuvent être pauvres et misérables, on n’a aucune envie
d’aller encore les écraser. Et c’est cela la noblesse : quand on est grand
on ne s’attaque pas à un petit ; quand on est fort, on e se jette pas sur
un faible, mais on se dit : "Il faut lui pardonner, le pauvre, il est
tellement privé de toutes ces qualités qui font la richesse de la vie
intérieure ! Et il ne sait pas non plus dans quelles conditions ils e
place pour l’avenir, car les lois de la Justice divine sont implacables :
combien il souffrira pour réparer le mal qu’il a fait ! Tandis que moi,
même si pour le moment je suis une victime, je suis quand même privilégié de
travailler pour le bien, pour le Royaume de Dieu, pour la Lumière". Vous
opposez ainsi toute la splendeur dans laquelle vous vivez en ayant choisi le
chemin du bien, la misère de ceux qui
sont injustes et méchants. Ainsi, un sentiment de pitié s’empare de vous et
vous obtenez ce que vous n’auriez pu obtenir par aucun autre moyen.
Si
j’interprète comme je le fais ces paroles que Jésus a prononcées sur la croix,
c’est pour vous expliquer que, lorsque vous êtes victime d’injustices, il
existe une méthode très efficace pour échapper aux tournants intérieurs :
en reconnaissant toutes les splendeurs que Dieu vous adonnées et dont votre ennemi est privé à cause de son ignorance ou de sa méchanceté, vous êtes obligés
de conclure qu’une réalité, vous êtres privilégiés. Pour le moment, votre
ennemi triomphe, c’est entendu, il a réussi à vous faire du mal, mais c’est
quand même lui qui est à plaindre, parce qu’on est toujours à plaindre quand on
fait le mal, et qu’un jour la Justice divine le punira d’une façon ou d’ure
autre. Vous voyez, c’est tout à fait différent du mépris.
C’est
bien de lire les Evangiles, mais il faut aussi les approfondir, les méditer
longtemps pour comprendre ce que Jésus avant dans sa tête et dans son cœur au
moment où il prononçait certaines phrases. Quand il a dit : "Père,
pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font", il s’est lié à son Père
céleste pour pouvoir pardonner à ses ennemis. Jésus, qui était de la plus
grande intégrité et honnêteté, ne pouvait que s’attirer l’inimitié des
pharisiens et des sadducéens, car il les critiquait et les fustigeait sans
cesse. Evidemment, on pourrait dire qu’il n’était pas très diplomate ni
psychologue, qu’il devait savoir d’avance qu’en s’attaquant à des gens aussi
intelligents, instruits et puissants, il courait de grands dangers. Toujours il
les démasquait ; et même en public, devant la foule, il leur reprochait de
rechercher les meilleures places dans les festins et dans les synagogues, de
dérober le bien des veuves, etc.. et il leur disait : "Malheur à vous
qui fermez aux hommes le Royaume des Cieux. Non seulement vous n’entrez pas
vous-mêmes, mais vous empêchez les autres d’entrer".
Si
jésus avait été plus prudent avec les pharisiens, les sadducéens et les
scribes, ils ne lui auraient sans doute pas fait autant de mal. Mais il les
provoquait. Là, vraiment, il faut le reconnaître ; il les provoquait sans
arrêt. Alors, comment les autres pouvaient-ils accepter une situation
pareille ? Bien sûr, ils méritaient tous ces reproches, mais Jésus aurait
pu les ménager davantage. "Alors, direz-vous, pourquoi a-t-il fait
cela" ? Pour que les Ecritures se réalisent, pour que sa mission se
réalise : c’était écrit. S’il n’avait pas agi ainsi, jamais il n’aurait
été crucifié et l’histoire aurait pris un autre tournant ; rien de ce qui
s’est produit ensuite n’aurait en lieu…
Voilà donc le travail qu’au moment de mourir
Jésus a dû faire sur lui-même pour tout surmonter, et il a dit :
"Père, pardonnez-leur car ils ne savent ce qu’ils font", afin de
pouvoir, lui, pardonner à ses ennemis. Il est impossible de trouver sur la
terre quelqu’un qui n’éprouve aucune hostilité ou antipathie pour personne.
Mais les êtres les plus élevés ne peuvent pas échapper à quelques pensées ou à
quelques sentiments négatifs. Seulement, ces êtres-là possèdent une science et
connaissent des méthodes qui leur permettent de transformer leurs états
intérieurs. C’est ainsi qu’ils arrivent à vaincre leurs faiblesse, et là est
leur mérite. Ne voyez pas qu’ils naissent absolument pleins d’amour,
d’intelligence, de sagesse et doués de toutes les vertus ; non, ils
doivent les acquérir. Bien sûr, chacun vient sur la terre avec certaines
qualités qu’il a déjà acquises dans d’autres incarnations, et Jésus est venu
avec des richesses et des vertus immenses, mais sans doute y avait-il encore en
lui quelques petites faiblesses à vaincre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire