Chaque matin, quand le soleil se lève,
dans l’espace limité qu’il éclaire, tout devient visible et précis ; nous
pouvons nous diriger, observer, faire des recherches. Et quand il se couche,
tout s’estompe, nous ne voyons plus ni formes ni couleurs, nous entrons dans
l’indifférencié, dans l’illimité de la nuit ; face à cet espace infini, un
vertige s’empare parfois de nous et notre âme s’envole, elle est attirée par cette
immensité sans bornes et tend à se fusionner avec d’autres existences.
Nous faisons quotidiennement cette
expérience ; le jour et la nuit, la lumière et l’obscurité… pendant le
jour, la lumière du soleil, qui nous rend visibles les objets terrestres, éclipse
le reste de la création ; pourtant, cet espace où nous ne distinguons rien
est peuplé de planètes et de bien d’autres soleils plus grands et plus
puissants que celui qui nous éclaire. Alors, l’important pour nous est de
comprendre comment cette alternance du jour et de la nuit se retrouve dans
notre monde intérieur.
Le soleil nous donne sa lumière afin que
nous puissions étudier, agir et travailler. Il est donc absolument nécessaire à
notre évolution. Sans la lumière du soleil, nous n’aurions pas de conscience
individuelle, nous nous perdrions dans l’immensité, l’illimité. Le soleil est
absolument indispensable pour l’individualisation et pour le développement de
la conscience. Et notre intellect est cette faculté qui, comme le soleil, est
capable d’éclairer l’espace autour de nous afin que nous puissions voir,
étudier et comprendre. L’intellect est notre soleil. Mais ce soleil a ses
limites ; en nous individualisant, en nous permettant de prendre
conscience de notre propre moi, il nous isole, il nous sépare de la véritable
réalité qui est l’immensité. C’est pourquoi les hindous disent que l’intellect
est l’assassin de la réalité. Il détruit la réalité parce qu’il nous la
cache ; exactement comme le soleil qui, nous empêchant d’embrasser
l’espace infini peuplé de milliers d’autres soleils, nous laisse voir seulement
une petite portion de terre.
Le soleil est un symbole extrêmement
vaste ; en disant qu’il nous cache les immenses richesses de l’univers, je
ne considère évidemment qu’une partie de son symbolisme, je veux seulement
attirer votre attention sur un aspect de la vie psychique ; par sa lumière
le soleil délimite un espace autour de nous, et cette délimitation est
nécessaire, indispensable : elle fixe l’espace dans lequel l’intellect
doit exercer son activité. Mais l’intellect ne doit pas maintenant prendre la
prépondérance sur toutes les autres facultés, comme cela se produit de plus en
plus à l’époque actuelle, car tel qu’il est en train de se manifester chez la
plupart de nos contemporains, on peut dire qu’il devient un instrument de
destruction. Plus il se fie à lui, à la manière dont il aborde les questions et
tire des conclusions, plus ils se coupent des créatures visibles et invisibles,
plus ils se coupent de la réalité, c’est à dire de la vie.
L’homme doit travailler avec
l’intellect, il doit développer son corps mental afin de se manifester en tant
qu’individu autonome et maîtriser le monde matériel. S’il se laisse seulement
aller aux impulsions de sa sensibilité, au besoin de vivre en osmose avec les
humains et avec l’univers, là aussi, il lui manquera quelque chose. Et c’est
d’ailleurs le cas de certains tempéraments mystiques quand ils s’abandonnent
seulement au monde nébuleux des sensations et développent uniquement leur corps
astral. Evidemment, ils ressentent quelque joies, mais non seulement ils
deviennent incapables d’assumer les charges de la vie quotidienne, mais ils
sont menacés de grave déséquilibres psychiques ; lorsque le monde astral
n’est pas maîtrisé par le monde mental, c’est la voie ouverte à tous les
désordres.
Qu’est-ce qui rend l’intellect tellement
précieux ? C’est sa capacité d’analyser tout ce qui vient de la région
inférieure des instincts, des désirs, des convoitises, et de faire un triage
afin de ne garder que ce qui est utile et bénéfique pour soi-même et pour les
autres. Evidemment, ce n’est pas ainsi que les humains considèrent le rôle de
l’intellect. Ils ont surtout compris que cette faculté leur permet d’explorer
et d’exploiter la matière, de satisfaire leurs ambitions et leur besoin de
domination. C’est pourquoi, jusqu’à maintenant, l’intellect n’a pas beaucoup
contribué au véritable progrès de l’humanité. Les machines, les outils, les
appareils se perfectionnent, les produits de toutes sortes se multiplient, mais
ils ne contribuent pas vraiment à résoudre des problèmes essentiels. Il n’est
pas nécessaire d’insister sur ce point, tout le monde est en train de le
constater. Et pourquoi cette situation ? Parce que cet intellect, sur
lequel on a tellement mis l’accent pour le développer, ne se préoccupe pas
tellement du bien des autres ; il essaie de se donner l’apparence de
l’honnêteté, de la justice, de l’altruisme, et il y arrive car il est très doué
pour trouver des arguments, mais ce n’est que l’apparence.
On a longtemps cru que le progrès de
l’instruction amènerait le bonheur sur la terre. Eh bien, on voit maintenant de
quelle nature est ce bonheur et combien en bénéficient. Il est très utile de
faire travailler l’intellect, mais comment et à quoi ? Voilà la question
qu’il faut se poser. L’intellect est surtout devenu une arme redoutable chez
certains, parce qu’en même temps que l’instruction, on ne leur a pas inculqué
le besoin de développer leurs qualités morales. Or, l’intellect par lui-même
n’est pas moral, il est naturellement porté à chercher les moyens de se
satisfaire en l’homme que les intérêts les plus égoïstes.
En réalité, l’intellect pourrait jouer
un rôle très bénéfique dans la vie morale des humains s’ils savaient mieux
comment l’utiliser. Si on étudie les statistiques, on voit que c’est dans les
milieux intellectuels qu’on rencontre le plus de personnes fragiles et même
déséquilibrées, malades. Car l’usage qu’elles sont habituées à faire de
l’intellect ne les protège pas des troubles psychiques ; au contraire il
contribue à les amplifier. L’intellect est capable d’observer et de réfléchir
sur les événements qui se déroulent en nous et autour de nous, mais il n’est
pas capable de trouver de véritables solutions. Car l’intellect, ce n’est pas
encore l’intelligence, il est trop limité ; son champ de vision est trop
étroit, trop superficiel.
La véritable intelligence commence au
moment où l’homme, ayant appris à lier le corps mental au corps causal devient
capable de maîtriser ses pensées et ses sentiments afin de tout utiliser pour
son bien et celui du monde entier. Sinon, il ne peut que se nuire à lui-même et
nuire aux autres. Ce n’est qu’après avoir jugulé les forces anarchises des
plans astral et mental que l’homme accède à la véritable intelligence. Il ne
faut pas s’étonner si certains que l’on considère comme de grands savants, de
grands philosophes commettent de grossières erreurs ; quand on ne cherche
pas à s’élever au-dessus des plans astral et mental pour atteindre le plan
causal, on en peut que se tromper.
L’intuition est une vision, une
réception instantanée, une saisie immédiate et totale de la réalité. On peut la
définir comme une faculté du corps causal. Dans le plan causal, qui se situe
au-delà des plans astral et mental, le sentiment et la pensée sont
confondus ; il est donc possible, en même temps, de sentir et de
comprendre ; parce que les humains ne connaissent d’eux-mêmes que les
manifestations du corps astral et du corps mental, cette possibilité supérieure
de penser et de sentir à la fois leur est fermée. La majorité d’entre eux se
débattent, tiraillés entre leur cœur et leur intellect, sans comprendre que la
seule façon d’harmoniser ces deux principes psychiques est de développer
l’intuition.
L’intuition est en même temps une sensibilité
et une intelligence, une sensibilité et une intelligence à un niveau supérieur.
Pour arriver jusque-là, le chemin est difficile ; celui qui veut
développer cette faculté doit non seulement être animé par un haut idéal, mais
recevoir d’un maître des notions justes afin de ne pas s’égarer ; et il
doit aussi avoir une volonté inébranlable, car c’est chaque jour qu’il y a des
exercices à faire pour conserver, quoi qu’il arrive, la direction vers le haut.
L’intuition ne peut se manifester chez celui qui accepte de vivre dans la
turbulence des émotions et des passions du cœur, ou dans les intrigues, les
manigances, les calculs intéressés de l’intellect. Pour y voir clair, il doit
mettre de l’ordre dans tout son être, afin de ressembler à la surface d’un lac
limpide où le ciel vient se refléter.
Grâce à ses capacités d’observation, de
raisonnement, l’intellect nous permet de faire déjà une partie du chemin. Oui,
mais arrivé à une certaine limite, il nous abandonne, il est incapable de nous
mener plus loin, il nous dit : « c’est une région où je ne peux pas
te guider, il est impossible d’aller plus loin ; je t’ai amené jusqu’ici
et maintenant c’est à d’autres forces, d’autres facultés, d’autres entités de
te conduire ». L’intellect est l’instrument le plus formidablement utile
pour préparer les conditions, déblayer la voie, mettre les choses en place en
attendant que l’intuition puisse se manifester. Il vous aide à surveiller, à
contrôler ce qui se passe dans votre tête et dans votre cœur, à éliminer les pensées
et les sentiments négatifs, à conserver au contraire les pensées et les
sentiments constructifs, bénéfiques, et à décider de les amplifier. Quand vous
avez ainsi introduit en vous l’ordre, la clarté, la paix qui sont les
conditions indispensable pour entrer en contact avec le ciel, ce sont d’autres
courants qui viennent vous prendre pour vous amener jusqu’à la région divine de
la lumière infinie et du savoir absolu. Là, d’un seul coup, vous avez des
révélations.
Car c’est cela, l’intuition : une
étincelle, une lumière projetée, un savoir que l’on capte de l’intérieur, sans
pouvoir discerner d’où et comment c’est venu ; mais on ressent avec une
certitude absolue que c’est ainsi et pas autrement. Les vérités, les
connaissances que nous recevons par l’intuition sont sans défaut. C’est comme
s’il existait en nous un être dont le regard est capable de pénétrer la réalité
des choses et de nous communiquer ce qu’il perçoit, en prenant en considération
non seulement les éléments du plan physique, mais tous les éléments invisibles
et subtils qui échappent à la compréhension ordinaire. Ainsi, l’intuition est
une révélation d’un ordre supérieur à l’intellect ; c’est tout le ciel qui
vient se refléter sur la surface limpide de notre conscience. Il est bon d’avoir
une pratique quotidienne de ce monde de l’intuition.
C’est pourquoi, lorsque vous avez un
problème important à résoudre, trouvez un lieu et un moment propices pour vous
concentrer. Faites taire les voix discordantes du cœur et de l’intellect, et
quand vous avez obtenu le silence, essayez de vous élever très haut par la
pensée. Lorsque vous sentez que vous avez réussi à atteindre un certain point,
posez la question qui vous préoccupe et attendez paisiblement ; il y aura
toujours une réponse. Au début, ce ne sera peut-être qu’une sensation vague,
difficile à interpréter, mais ce sera déjà un indice. Alors, n’abandonnez pas,
recommencez à vous fier au monde de la lumière, reposez la question… plus vous
aurez appris à maîtriser les mouvements des plans astral et mental, plus la
réponse que vous recevrez sera claire et précise.
L’intuition est une forme de vision,
mais une vision dans laquelle l’intelligence s’allie à la sensibilité pour nous
donner la connaissance complète. C’est en ce sens qu’elle est supérieure à la
clairvoyance, car la clairvoyance n’est que la vision du côté objectif,
matériel des plans astral et mental. On voit et on est terrifié ou émerveillé,
mais ces sensations n’apportent ni la connaissance, ni la compréhension. Tandis
qu’avec l’intuition, on ne « voit » peut-être rien, maison comprend
les choses beaucoup mieux que si on les voyait, car on les vit, on les sent.
L’intuition est donc supérieure à la clairvoyance, c’est elle qui donne la
véritable compréhension de la vie.
Un véritable spiritualiste ne se
préoccupe donc pas de ce qu’il peut voir dans les plans astral et mental. Il ne
travaille pas pour ça, il passe au-delà, il veut des réponses supérieures.
Quand il aura appris à recevoir des réponses de l’intuition, il pourra essayer
de développer la clairvoyance et la clairaudiance. Mais d’abord, il doit viser
le but le plus élevé, sinon ces visions, ces images flottantes s’accrocheront à
lui et l’empêcheront d’aller plus loin. Oui, il faut le savoir, les mondes
astral et mental sont des lieux de troubles, de confusion. Celui qui s’y
aventure est harcelé, agrippé par toutes sortes d’existences malsaines dont il
n’arrive pas à se dépêtrer pour aller plus haut ; il est obligé de
s’arrêter en chemin, et c’est une entrave à son évolution. Donc, tant que vous
ne possédez pas les connaissances et les pouvoirs qui permettent d’explorer
sans risque ces régions, il est préférable de les traverser rapidement, les
yeux fermés, et de concentrer tous vos efforts sur l’intuition.
Il existe de nombreuses méthodes pour
développer l’intuition. La plus sûre est de travailler sur la pureté, c’est à
dire d’éviter d’avoir des partis pris et d’agir par intérêt. Plus vous serrez
capable de vous montrer ouvert, compréhensif, désintéressé, soucieux de
l’épanouissement des autres plus ce qui vous empêche d’y voir clair disparaîtra
et vous pourrez connaître enfin les choses et les êtres dans leur réalité.
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