« Au
commencement, écrit Moïse, Dieu créa les cieux de la terre. La terre était
informe et vide ; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme et l’esprit
de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit : Que la lumière
soit ! Et la lumière fut ».
Plusieurs
siècles après Moïse, c’est saint Jean qui écrit : « Au commencement
était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu, il était au
commencement avec Dieu. Toute chose a été faite par lui et rien de ce qui a été
fait n’a été fait sans lui. En lui était la vie et la vie était la lumière des
hommes ».
Comme Moïse,
saint Jean situe son livre « au commencement » ; il reprend
l’idée essentielle du début de la Genèse : la création du monde par le
Verbe divin, puisque Dieu a parlé pour faire apparaître la lumière, et il lie
l’idée de vie à celle de lumière.
Pour révéler
les mystères de l’univers, les Initiés ont toujours été obligés d’utiliser les
mots du vocabulaire concret et les images de la vie courant, mais comment
ont-ils été compris ? Les gens soi-disant sensés, rationnels, n’ont
souvent vu dans les Livres sacrés qu’un ramassis d’histoires à dormir debout.
Evidemment, quand on a perdu les clés de l’interprétation des symboles, les
récits bibliques de la création du monde n’ont pas grand sens. Mais celui qui
veut faire l’effort de comprendre sent peu à peu tout ce que la science des
Initiés peut apporter à son âme et à son esprit.
Pour essayer
d’avoir une idée de cette région que les kabbalistes appellent Aïn Soph Aur, lumière sans fin, il faut
commencer par prendre conscience du caractère relatif de ce que nous, les
humains, appelons généralement Lumière. Dans l’Egypte ancienne, lorsque
l’adepte atteignait le dernier degré de l’Initiation, le grand-prêtre lui
chuchotait à l’oreille « Osiris est un dieu noir… Osiris est ténèbres,
trois fois ténèbres…. » Comment Osiris, Dieu de la lumière et du soleil,
pouvait-il être associé au noir et aux ténèbres ? parce que c’est
l’intensité même de la lumière qui produit sur ceux qui ne peuvent la concevoir
une impression d’obscurité. Pourquoi parle-t-on d’une « lumière aveuglante » ? Apparemment il y a contradiction, mais en réalité non.
Des mystiques ont eux aussi parlé de « la ténèbre divine ».
Dans le plan
physique, déjà, nous n’appelons lumière que ce que nos yeux peuvent discerner.
Là où ils ne peuvent rien percevoir,
nous disons qu’il y a obscurité. Mais
tout cela est relatif, ne serait-ce même qu’en comparaison avec certains
animaux qui, eux, y voient clair dans la nuit. Et dans le plan intellectuel, si
rien n’a préparé les lecteurs à comprendre la pensée d’un très grand philosophe
ou d’un très grand savant, quelle que soit la lumière qu’il est en train de
projeter sur certaines questions, tout cela reste obscure pour eux ; et on
peut même dire que plus sa pensée est lumineuse, plus elle devient obscure pour
eux. Les mots « ténèbres », « obscurité » ne sont pas
utilisés là pour définir objectivement une réalité, mais pour exprimer notre
incapacité à la concevoir. Et ce que nous appelons lumière correspond à une
réalité qui se trouve davantage à notre portée. C’est pourquoi on peut dire
que, pour nous, la lumière sort toujours
des ténèbres.
Si Dieu a
dit : « Que la lumière soit ! » cela ne signifie pas
qu’auparavant régnaient les ténèbres, mais que la lumière existait sous une
forme que nous ne pouvons pas nous représenter ; Aïn Soph Aur, l’Absolu,
le Non-manifesté qui restera toujours pour nous un mystère. Et pour mieux
exprimer encore ce mystère de la Divinité, au-delà d’Aïn Soph Aur les kabbalistes
ont conçu une région qu’ils ont appelée Aïn Soph : sans fin, et encore
au-delà d’Aïn Soph, Aïn ; sans. A l’origine de l’univers il ya donc une
négation. Mais « sans », qui signifie absence, manque, ne signifie
pourtant pas une non-existence. Aïn n’est pas le néant absolu tel que certains
ont imaginé faussement le Nirvâna des hindous. En fait, c’est exactement
l’inverse. Aïn Soph Aur, de même que le Nirvâna des hindous, n’est pas une
non-existence mais une vie au-delà de la création, de la manifestation.
Il est donc
erroné de prétendre que Dieu a créé le monde « ex nihilo » : à
partir de rien ; car « rien » n’existe pas. « Rien »
correspond à cette réalité que les kabbalistes appellent Aïn Soph Aur. Et dire
que Dieu a « parlé » n’est qu’une façon d’exprimer l’idée que, pour
créer, Il a projeté quelque chose de Lui-même. Il a voulu sortir de son état
primordial d’indifférenciation dans l’immensité infinie afin de se manifester,
et cette première manifestation a été la lumière. Or, toute création suppose
une limitation et pour créer, Dieu s’est donc imposé des limites. L’Absolu,
l’Inexprimable, l’Inconnaissable, Aïn Soph Aur, est sorti de cette immensité,
de cet état indescriptible d’existence subtile où Il se trouvait pour former un
réceptacle qu’Il a rempli de ses émanations ; ce réceptacle était Kéther,
la première séphira.
A partir de
Kéther on peut donc dire que toute la création n’est qu’une succession de
jaillissements, de débordements de la lumière originelle. Car Kéther ne
suffisait pas pour contenir ce flot formidable de la lumière divine ; elle
a donc débordé et en débordant elle a engendré Hohmah qui à son tour, a débordé
et a engendré Binah. Puis Binah en débordant a engendré Hessed et Hessed a
engendré Guébourah. Au fur et à mesure qu’elle descendait pour donner naissance
à des mondes nouveaux, l’émanation divine est devenue de plus en plus dense.
C’est toujours la même quintessence, mais de plus en plus condensée pour
réaliser un autre travail.
D’émanation
en émanation, Dieu a donc créé toutes les régions de l’espace, les séphiroth,
et la vie continue à couler de la Source infinie. Car pour que Kéther fasse
jaillir la vie, il faut qu’elle la reçoive de plus haut, et elle la reçoit de
Aïn Soph Aur ; Aïn Soph Aur la reçoit de Aïn Soph et Aïn Soph de Aïn,
l’Absolu, le Non-manifesté, l’absence qui attend le moment de devenir
présence…….
En Dieu il
existe donc une relation ininterrompue entre l’Absolu et le Manifesté ;
c’st ainsi que les éléments nouveaux s’introduisent sans cesse dans l’univers.
L’univers est une création continue et sa matière augmente et se transforme
sans cesse. Retenez surtout que la vie n’est qu’un jaillissement, un débordement
et un transvasement d’énergies. C’est pourquoi, même si les kabbalistes se sont
servis de l’arbre pour donner une image de l’univers et de sa création, on
trouve aussi dans la tradition kabbalistique l’image du fleuve de vie qui
jaillit de la Source divine et descend pour alimenter toutes les créatures. Il faut
donc garder à l’esprit qu’il ne s’agit que d’images destinées à traduire des
aspects de la réalité. La réalité elle-même est toujours beaucoup plus complexe
et, pour la comprendre, il est nécessaire d’y introduire sans cesse de nouveaux
éléments.
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